Coalition internationale contre Etat islamique ?

Tribune libre2

Omar Mazri

Aucun motif y compris celui de la monstruosité des crimes de DAESH n’autorise un esprit lucide ou une conscience vigilante à accepter la « coalition internationale » contre le pseudo « Etat islamique du Levant et de l’Irak ».

Toute acceptation serait une marque de stupidité pour ne pas dire une trahison. Nous avons refusé au nom de notre humanité et de notre islamité indissociables et avec des arguments religieux, moraux et politique que l’Islam ne se transforme en instrument idéologique pour agresser les Etats ou pour terroriser les populations. Par la grâce de Dieu nous avons eu la lucidité de voir les évènements et d’écrire sur des thèmes majeurs de notre temps en anticipant sur les conséquences catastrophiques des acteurs dont nous avons montré l’insenséisme de la pensée et l’inculture de la démarche.

Les arguments du refus de la nouvelle agression ne manquent pas aujourd’hui et il faut être aveugle pour ne pas les voir :

Sur le plan principiel :

Il faut refuser de :

  • Porter atteinte à la souveraineté nationale et ingérence dans les affaires nationales.
  • Réhabiliter et légitimer les agressions impériales au Soudan, Somalie, Irak, Afghanistan, Palestine, Libye, Syrie, etc.
  • Cautionner les agressions futures au nom de principes refondateurs de la politique impériale de l’Occident envers le reste du monde : devoir d’ingérence au nom de l’humanitaire discriminatoire, de la lutte contre le « terrorisme » ou de tout autre alibi inventé par la « la communauté internationale ».

Sur le plan de l’expérience :

il faut rappeler les évidences :

Là où l’empire intervient au nom de la justice, des droits de l’homme, de la liberté, de la démocratie ou de l’humanitaire nous assistons à :

- L’installation du chaos, le découpage territoriale, le recul de la justice, des droits de l’homme, de la liberté et de la démocratie ….

- La prédation pure et simple…

- L’installation des bases militaires…

- L’émergence de bourgeoisies compradores (liées au capital anonyme étranger)…

- La résurgence et l’aggravation des différents frontaliers légués par le colonialisme…

- L’aggravation des luttes intestine sectaires et partisanes…

- La coalition internationale et la communauté internationale sont des rhétoriques de communication qui masquent la réalité : l’Amérique conduit le monde en monopole qui ne tolère ni contestation ni conseil. Elle n’a pas d’alliés, mais des vassaux.
Dans ses agressions elle donne aux autres le rôle de figurants ou de financiers, mais le commandement ainsi que les moyens sont ceux de l’Amérique.

Sur le plan des objectifs :

1- La sortie de crise économique et financière par la relance des industries militaires et la confiscation des ressources en instaurant la guerre perpétuelle et l’économie de guerre (rapine)…

2 – La présence militaire dans le monde musulman pour accentuer les pressions politiques et économiques. Ces pressions visent l’Iran en premier lieu pour l’amener à faire des concessions ou à faire des erreurs justifiant l’agression. Elles visent en second lieu les élites « récalcitrantes » des pays arabes et musulmans pour les amener à brader leurs ressources et à se transformer de comptoir commercial colonial en base de l’OTAN pour financer ou intervenir au lieu et place de l’Empire lui faisant ainsi économie de sang et de ressources

3 – L’agression de la Syrie en ciblant d’une manière délibérée des installations ou des institutions, en provoquant des dommages collatéraux ou en ripostant à une éventuelle « riposte » vraie ou imputée à l’armée syrienne.

4 – L’instauration par imposition de l’Etat kurde allié à l’Occident en amputant des territoires à l’Iran, à la Syrie et à la Turquie. L’arrogance impériale s’imagine qu’elle a non seulement le droit, mais le pouvoir de faire et de défaire des territoires et des nations comme si elle était une divinité grecque façonnant le monde selon ses caprices ou ses désirs de vengeance.

5 – La finition du démantèlement de l’Irak, de son partitionnement ethno-geo-confessionnel et de l’entretien d’une guerre fratricide entre les Irakiens. 12 mille ans d’histoire effacées par la rencontre entre la culture Macdonald et celle des bédouins.

5 – Reprendre la main contre l’axe de la résistance : que ce soit en Palestine, en Syrie ou ailleurs dans le monde, l’Amérique est tenu en échec et ne gagne pratiquement aucune guerre et ne réussit aucun plan dans le monde. Elle perd de l’autorité et de la puissance. Les experts de l’empire savent qu’ils doivent réhabiliter leur autorité en instaurant un nouveau rapport de forces en leur faveur. Leurs esprits stupides et veules, ne veulent pas se rendre à l’évidence : ils n’ont pas les compétences intellectuelles et morales pour conduire des guerres respectables car il leur manque les généraux et les hommes politiques ayant les qualités d’initiés au sens que leur donnent les stratèges militaires comme Clausewitz et Tsu. Leur seule capacité est de détruire. Dans leur folie de destruction et leur inculture ils ne parviennent pas à effacer l’image qui frappe les esprits : comment et pourquoi une horde de barbares a pu instaurer un état « islamique » au cœur du monde arabe alors qu’ils ne sont pas parvenus à sécuriser ou à pacifier une portion de territoire en Somalie, en Irak et en Afghanistan.

6 – L’Empire s’imagine instaurer un rapport des forces tel que le régime syrien ne puisse avoir comme perspective que s’effondrer ou se vassaliser laissant ainsi l’axe de la résistance dans le désarroi. C’est une guerre d’usure à laquelle l’axe de la résistance est habitué à gérer tant bien que mal. Il est parvenu à couper le HAMAS de la Syrie, du Hezbollah et de l’Iran, mais ses troupes « arabes » indisciplinées et empressées ainsi que la nature agressive de l’entité sioniste lui faussent les calculs. Le Qatar sans poids historique et la Turquie « fâchée » avec les Arabes et amie d’Israël ne peuvent jouer le rôle qui leur est assigné. L’Egypte est hors-jeu. Les facteurs d’entropie dans l’action et dans la communication sont trop nombreux pour laisser à l’empire une liberté de manœuvre efficace et subtile. Il se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

7 – L’affrontement avec la Russie sur un territoire non européen. La folie des dominants et des dominés est devenue la culture mondiale qui refuse de voir le désordre mondial comme fruit de l’hyperpuissance arrogante lui préfèrant l’explication eschatologique de l’histoire. Pour les uns ce sera l’Armageddon qui donnera la suprématie du monde aux sionistes, pour les autres ce sera l’Antéchrist ou le retour du Messie qui descendra sur Damas pour régler le compte des mécréants.

Dans ce scénario judéo-chrétien « islamisé » les musulmans sont divisés entre ceux qui voient une alliance entre islamistes et américanistes contre les régimes syriens, iraniens et russes et ceux qui voient au contraire une alliance des musulmans avec les Russes et les Chinois contre l’Occident.

Bien entendu les musulmans continuent de ne pas voir les fondamentaux de leur religion qui leur commandent de ne pas verser le sang d’un innocent et de ne pas combattre sous une fausse bannière. L’Amérique ainsi que ses alliés cherchent la confrontation avec la Russie pour des raisons géopolitiques qui n’ont rien à voir avec l’eschatologie. Leur rationalisme ne les empêche pas d’être conduits par la loi métaphysique de la gradation historique (Al Istidraj) vers l’implosion à l’intérieur et l’explosion à l’extérieur sans qu’ils puissent se rendre compte des mécanismes qui les y conduisent et sans possibilité d’agir pour leur salut et celui de leurs alliés.

Tous ces objectifs se conjuguent et s’alimentent, mais nous avons la conviction que l’ultime objectif est la liquidation du Hezbollah libanais qui est parvenu par ses capacités de résistance, sa doctrine militaire et politique, ses analyses géopolitiques ainsi que son déploiement en Syrie et peut-être en Irak à s’imposer comme modèle de résistance transcendant les clivages islamistes non islamistes, sunnites chiites.

Sur le plan de la dialectique :

La théorie du complot donne bonne conscience, mais ne peut expliquer la complexité du chaos. Il faut manier plusieurs concepts pour parvenir à expliquer brièvement la dynamique, les contradictions et le chaos qui s’est mis en place depuis plusieurs siècles. J’en retiens trois pour simplifier : Le rapport de l’Occident à lui-même dans son rapport à la modernité et à la Postmodernité. Le rapport de l’Occident à sa contradiction sur le plan de la civilisation qui se manifeste par l’Islamophobie. Le rapport de l’Occident à l’Eurasie.

Sur le premier plan il y a triomphe de la matière et de la communication sur l’esprit de sens libérant des forces de destruction infernale que la narrative médiatique et idéologique présente comme idéal de progrès. L’Occident, par les arts, les philosophies et les sciences s’est cru Prométhée agissant comme un Titan défiant les dieux de l’Olympe. Les deux grandes guerres au lieu de mettre fin à son matérialisme ont fait émerger un autre mythe celui de Hermès où il s’agit de fédérer les communautés écervelées, sans centre et sans totalité dans le totalitarisme de la marchandise mise en spectacle. Hermès, joueur de pipeau, protecteur des arts et de la communication est aussi protecteur des marchands et des voleurs. La marchandise n’est plus le bien et service utile échangé sur un marché libre et concurrentiel, mais tout ce qui procure du désir, désir de jouissance, de puissance, d’immortalité, de rêve, de fantasme, de futile et d’inutile. Le monopole de la communication formate les esprits et instaurent le cynisme et le nihilisme dans une civilisation de jeu et de spectacle.

Sur le second plan, imbriqué dans le premier, nous avons la même machine idéologique et médiatique qui cultive la méfiance envers l’Islam et la défiance entre les musulmans pour mener une véritable guerre contre le monde musulman. La guerre contre le musulman est objective dans le sens où le monde musulman contient les ressources convoitées et les idées redoutées. Ce n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité tangible : le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, le communisme ne sont ni une crainte ni une perspective pour l’Occident, ce sont des vestiges qui apportent du réconfort aux individus, mais sans dimension universelle ou historique.

Paradoxalement la Russie pourtant occidentalisée et insérée dans la mondialisation libérale se trouve propulsée, à côté de l’Islam, comme un danger à abattre. Le poids de l’histoire, la personnalité de Poutine, l’influence de l’Eglise orthodoxe, la spiritualité de l’Orient, la géopolitique, la bêtise de l’Occident et sans doute un « coup de pouce » métaphysique poussent la Russie à émerger bon gré mal gré comme rival voire comme ennemi de l’Empire. Celui-ci est réconforté par sa rhétorique « hermèsienne » ainsi que par sa hantise de l’Eurasie. L’Eurasie place objectivement la Russie comme alternative viable et efficace à l’Empire.

L’Eurasie c’est l’Asie, l’Europe et l’Afrique comme géographie des diversités humaines et culturelles, des économies complémentaires, des profondeurs historiques, des gisements de ressources, des potentiels humains. L’Eurasie c’est le monde musulman en coopération avec le reste du monde dans un projet qui reste à définir et qui pourrait être non capitaliste, une alter mondialisation. $

L’Occident et les bédouins arabes ont tout fait pour montrer l’Islam dans sa seule dimension arabe alors qu’en termes de géographie, de spiritualité, de culture et d’histoire l’Asie est dominante. Il faut oser voir la coopération possible entre les peuples musulmans et non musulmans de Chine, d’Inde, d’Irak, de Syrie, d’Iran, de Turquie. Il faut oser voir l’Afghanistan et le Pakistan, libérés des alignements idéologiques et des sectarismes religieux, impliqués dans l’Eurasie et par conséquent dans le devenir du monde pour comprendre ce qui se joue réellement.

Malek Benabi avait osé dire, en son temps, la vérité sur l’Inde et le Pakistan, qui dérange aussi bien le colonialisme anglo-saxon que les rentiers de la religion islamique et leurs valets des monarchies arabes.

En jouant sur les fibres sentimentales et l’esprit d’épicier des élites musulmanes l’empire dans son déclin avait soustrait de l’Inde le Pakistan et le Bengladesh. Sa partition visait à épuiser le non alignement idéologique indien et à le vider de son statut de première force spirituelle dans le monde et de première démographie musulmane.

L’Inde, Etat continent, avait toutes les ressources pour devenir le moteur ou le partenaire d’un nouveau monde. Elle avait abrité les plus grands empires musulmans, le sultanat de Delhi et les Mongols comme elle avait abrité auparavant les plus anciennes civilisations humaines. Il faut imaginer l’Inde en coopération avec l’Indonésie, la Chine et l’Afghanistan et impliqués dans une Eurasie fédérale. Nous devons faire l’effort de lire une carte du monde et nous interroger sur ce qui aurait pu se passer et sur ce qui pourrait se passer si on se mettait à penser autrement et à nous libérer du sectarisme et de l’esprit partisan.

Les académies de géographies de sa majesté, les historiens des académies militaires des héritiers de l’empire britannique et les anthropologues de la colonisation française ont produit la pensée de domination. Elle connait les convulsions, les tares, les mythes et les potentiels des anciennes colonies.

Elle sait trouver les perfides, les traitres et les ignorants qui servent ses intérêts. Elle a développé par ses laboratoires et par ceux des sionistes l’islamophobie l’instrument le plus diabolique de ses manipulations comme elle a développé méthodiquement et efficacement les instruments de répression, de prédation et de subversion.

L’Islamophobie, comme rapport au devenir du monde, en criminalisant les uns et en magnifiant les autres, en montant les uns contre les autres, donne à l’empire les moyens psychologiques et militaires pour saper toutes les possibilités et compliquer les conditions de résurgence des peuples musulmans dans l’histoire humaine afin de maintenir la domination politique et économique impériale et de ne pas confronter l’Occident, sans repères spirituelles et sans projet d’avenir pour l’humanité, à une rivalité civilisationnelle qui met en péril son système. Terrorisés, les élites et les peuples musulmans n’ont pour alternative que de se transformer en terroristes qu’il faut éradiquer ou en indigène qui cherche à se vassaliser au point de devenir des agents de subversion, de diversion et de délation pour le compte de l’Empire.

L’islamophobie n’est ni une guerre de religion ni un racisme, mais l’instrumentalisation de l’infantilisme religieux et de l’incurie politique pour détruire ou rendre incohérent et inefficace ce qui pourrait redonner du sens et ce qui donne assise à une résistance contre l’empire ou une existence en dehors de l’empire.

Ainsi on sape, après avoir poussé, encouragé et mis en scène, les horreurs vraies ou supposées des « islamistes » ce qui donne dimension civilisationnelle à un territoire et à un peuple : fragmentation de la géographie, dénaturation de l’histoire, perversion de l’économie, schizophrénie ou narcissisme pervers des mentalités collectives, déliquescence de la langue qui perd le sens de la mesure, du beau et du sens au profit de la laideur et de la méchanceté…

Dans cette corruption globale le système de précaution consiste à entretenir le chaos et faire en quelque sorte que le chaos favorise la pensée nihiliste et le comportement négateur d’autrui par lesquels le musulman tue un autre musulman et que cette tuerie devienne banale et généralisée pour n’importe quel motif politique, culturel, confessionnel, ethnique. Le phénomène n’est pas propre au monde musulman, il est le syndrome de la déstructuration globale.

L’Occident n’est pas responsable de ce syndrome qui relève de la psychologie sociale d’une géographie à un moment particulier. L’Occident favorise l’apparition de ce phénomène et rend son règlement difficile et couteux car ce phénomène favorise lui permet de réaliser son agenda politique, idéologique et économique.

Il est significatif de voir le silence ou le consentement des élites religieuses et intellectuelles lorsqu’un chef d’Etat arabe et musulman se faisait sodomiser en Libye ou lorsque des soldats et des civils se faisaient égorger en Syrie. Il est encore plus significatif de voir ces élites devenir bruyantes lorsqu’il s’agit de préparer l’opinion à accepter l’agression américaine comme un acte de justice internationale, de salubrité ou de salut.

Depuis 2006 le sionisme a mené plusieurs agressions contre la Palestine occupée, mais les élites arabes et musulmanes ont été silencieuses si on fait abstraction de quelques dénonciations timides et sans portée.

Sans l’esprit canaille qui habite nos mentalités jamais des canailles n’auraient osé nous terroriser au nom de notre religion et jamais les commanditaires de ces canailles ne viendraient s’imposer comme providence divine ou deus machina. On ne lutte pas contre les canailles de DAESH en appelant les canailles de l’empire. Il faut oser nous libérer de l’esprit canaille du colonisé.

La manifestation de l’Islamophobie est flagrante non seulement dans la gestion médiatique de l’Etat « islamique » qui persiste à étaler ses atrocités et la non viabilité de son modèle qui n’a rien d’islamique, mais dans celle des élites musulmanes qui se croient obligées de manifester leur attachement à la préfecture de police et leur disponibilité à jouer les indicateurs de police pour montrer leur bonne foi de bons citoyens intégrés.

Il s’agit de produire les deux extrêmes, l’ennemi utile et l’interlocuteur valide, les deux, idiots méprisables sont amenés à prendre la posture du bourreau ou de la victime. Dans un cas comme dans l‘autre ils sont amenés à renvoyer l’image de celui qui ne mérite ni la compassion ni l’égalité dans la conscience des hommes ni les droits et la dignité dans l’administration militaire, policière et juridique. Sans empathie le bourreau et la victime peuvent être jetés en pâture, mis au silence ou instrumentalisés dans ce qu’on appelle la stratégie du choc. Le pire est de voir le bourreau et la victime devenir des agents consentant pour choquer les autres et les duper.

Ce niveau de déshumanisation et à cette échelle dépasse l’entendement. La gravité, la durée et l’ampleur de ces contradictions témoignent que la crise est majeure : elle relève de la civilisation. Une civilisation est en agonie, mais celle qui doit prendre la relève ne vient pas encore. L’Islam a pour vocation la civilisation par sa compétence à fédérer, à libérer et à transcender les égoïsmes, mais les musulmans ne parviennent pas à se hisser au niveau des responsabilités exigées par l’Islam : témoigner de la vérité et de la justice tout en faisant oeuvre de bien.

Quels pronostics :

Une fois de plus l’empire va se confronter non seulement à son échec, mais à l’aggravation de la situation. Il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives, mais nous percevons déjà les signes :

L’empire est prisonnier de ses échecs et de ses désordres. Il est difficile de le voir réussir son stratagème.

Le monde musulman a payé le prix du terrorisme impérial : 10 millions de morts. Les souffrances des peuples sont une malédiction pour le commanditaire et l’artisan qui vont fatalement et réciproquement se faire très mal.

Les Irakiens sunnites et chiites opposés à l’ingérence étrangère se font déjà entendre.

Le président de l’association des savants musulmans, Youssef Al Qaradhawi, conteste l’intervention américaine contre DAESH. Après une navigation à vue et une démarche trop partisane qui l’ont amené à discréditer l’intelligence musulmane en Libye et en Syrie, il conteste enfin DAESH et les Américains. Les déboires des FM en Egypte, le revirement du Qatar, les affrontements idéologiques avec l’Arabie saoudite et le Wahhabisme, le pragmatisme américain qui use et jette ses instruments, la prise de conscience du franchissement de la ligne rouge.

La corruption américaine qui consistait à soutenir et à armer les « modérés » en Syrie semble ne pas fonctionner.

La méfiance envers Obama semble se manifester durablement et sérieusement.

L’administration américaine devient de plus en plus lourde et confuse rendant ainsi ses manœuvres de diversion et de subversion plus compliquées et moins efficaces.

Les Turcs sont en voie de règlement de la question kurde et la situation risque de déstabiliser la Turquie. Les Kurdes n’ont pas tous envie d’une autonomie territoriale et l’amalgame ethnique n’est pas toujours bien perçu par une ethnie qui a construit sa mentalité et son économie à travers le sol et l’histoire.

L’Etat kurde qui viendrait refaçonner la géographie, la géopolitique du pétrole et la reconfiguration des territoires au détriment de l’Iran et de la Russie n’est pas acquis par les intéressés eux-mêmes qui connaissent les mêmes problèmes d’intrusion impériale que les autres ethnies dans la région. Erdogan a habilement assis son pouvoir et celui de son parti sur le nationalisme turc et l’esprit ottoman, il lui sera difficile de faire admettre au peuple turc un projet de morcellement de son territoire.

Les Iraniens ne vont pas se laisser évincer de l’Irak et de la Syrie. Ils ne vont pas aussi tolérer la présence de forces militaires dans leur espace vitale. Ils ont acquis la capacité de résister et de contourner. Le temps, la géographie et la dynamique des rapports de force jouent en leur faveur.

Pour l’instant les Houtistes chiites au Yemen font monter la pression politique et personne ne sait le rôle qu’ils auront à jouer contre les Américains et leurs alliés. Nous savons que l’armée saoudienne a subi des revers lors de sa confrontation avec les Houtistes.

Idéologiquement il est impossible de voir les chiites et les salafistes djihadistes coordonner leur effort contre l’Amérique ou contre l’Arabie saoudite, mais les exigences militaires du présent et l’instinct de survie peuvent les amener à coexister pacifiquement.

C’est un scénario probable. Personne ne peut sonder le cœur des hommes dans les conditions extrêmes. Cela échappe à la technologie et aux laboratoires. Nous savons par observation des faits et par déduction logique que les déceptions et les tragédies dans le monde arabe à la suite des pseudos révolutions vont fatalement poser la question de la responsabilité.

Est-ce que les populations exacerbées vont continuer de se contenter des bouc-émissaires et des fausses bannières ou vont-elles se poser d’autres questions et y apporter (ou prendre) d’autres réponses. L’empire n’est pas Dieu. Ses stratagèmes sont limités et faillibles.

Le Hezbollah, présent en Syrie, sait qu’il est une cible potentielle et il est difficile de le voir conduit au suicide ou à l’étouffement. Il est difficile de le voir inactif alors que ses alliés stratégiques sont en danger.

Il est difficile de voir les Russes rester les bras croisés alors que le destin les pousse, malgré eux, à jouer le rôle d’alternative à l’Occident ou du moins de partenaire stratégique pour les pays émergents. Les Russes ont remporté la première manche en Syrie, ils ont remporté la seconde manche en Ukraine et il est difficile d’envisager leur retrait ou leur défaite dans cette troisième manche. La Russie manifeste déjà ses craintes et laisse deviner les menaces qu’elle fera peser…

La France otage de sa bureaucratie, de son bavardage, de ses clientélismes et de ses déchirements partisans et idéologiques a très peu conscience du danger qu’elle fait courir à ses administrés. Elle se met en première ligne contre la Russie et contre le monde musulman alors que ses intérêts et sa sécurité devraient lui commander l’inverse.

Les populations musulmanes ne vivent pas le terrorisme takfiriste comme une fatalité, mais comme le résultat de la politique américaine et de leurs vassaux religieux et politiques. Il est difficile d’imaginer les populations arabes oublier le martyr de Fellouja et de Gaza. Il est difficile d’imaginer les réactions de ceux qui vont comprendre qu’ils ont été manipulés, humiliés et maudits par la faute des étrangers qui ne respectent ni pacte ni morale ?
Il est difficile d’imaginer le devenir des intérêts arabes, idéologiques et économiques, mis au service du chaos dans la région.

Il est difficile d’imaginer les souverainistes et les indépendantistes en Europe sans voix alors que l’empire leur donne des justifications pour attaquer le système qui lui est inféodé.

Dans ce champ de possibilités à imaginer nous pouvons envisager la pénétration de la culture DAESH à Gaza. Cette culture peut être importée en l’état avec ses conséquences tragiques pour la résistance palestinienne qui sera accusée d’hérésie pour avoir exercé son devoir de résistance et refusé de vider la Palestine de sa population sous prétexte que sa terre est impure du fait de la présence juive. Le pourrissement de la situation et le jeu pervers dans la région peut faciliter un tel scénario.

Cette culture pourrait aussi se retourner contre ses instigateurs et se recycler dans une autre dimension et dans une autre perspective prenant nouveau socle à Gaza, en Jordanie et en Egypte : la lutte à mort et sans concession contre l’état hébreux. La Jordanie a peur de ses deux scénarios et commence déjà à montrer des signes d’inquiétudes.

Conclusion :

L’empire et ses alliés n’ont aucune solution. Le fait de prévoir 3 ans de difficultés montre que le chaos s’installe pour tous sur deux ou trois décades à moins que la magie ne se retourne contre le magicien. Il est vrai que l’empire dispose de laboratoires, d’instituts, d’académies, d’archives et de réseaux lui facilitant la gestion du monde et qu’en face de lui il y a très peu de savoirs mobilisés, mais il est dans un état de décomposition que même s’il se présenterait comme Ulysse il aurait du mal à nous convaincre qu’il a les moyens et le temps pour nettoyer les écuries d’Augias.

Le colonialisme français et anglais puis l’arrogance américaine ont tellement sali notre monde et leur image dans notre monde qu’il leur est impossible de continuer à jouer un rôle dans l’histoire. En 2014, des musulmans de France, de Belgique ou du monde arabe, en quête de reconnaissance, s’imaginent dans la posture d’égorgeurs alors que d’autres s’imaginent dans celle d’auxiliaires des services. Ils viennent ajouter de la salissure à un tableau suffisamment sombre.

Dans les années quarante, la période la plus sombre du peuple algérien, Malek Benabi, par la bouche d’une vielle indigène, avait exprimé le regard prémonitoire et la conscience du rapport du colonisé au colonisateur :
« Malheur à ceux qui nous portent secours car nous serons leur épreuve ! Malheur à ceux qui nous font du mal car nous seront leur tentation ! »

Nous portons le même regard et nous affirmons que la solution à nos problèmes passe par le refus de la tutelle colonialiste et par la quête la plus lucide de ce qui produit et maintient la régression politique, culturelle, sociale et économique et la lutte la plus implacable contre ce qui produit l’errance et l’aventurisme en l’occurrence l’ignorance et le despotisme. Il faut se mettre sérieusement et avec responsabilité à expliquer les principes de l’Islam pour le libérer des imposteurs et des falsificateurs tout en défendant l’humain contre les manipulations diaboliques et l’action dissolvante du colonialisme et de ses émules.

Les indices montrent que la coalition derrière laquelle se cachent les USA est de moins en moins viable. La puissance technologique (puissance de calcul, puissance de frappe et puissance de l’image) ne peut suffire pour endiguer la folie auto destructrice des américains ni celle des Takfiristes comme elle ne peut occuper militairement un territoire dont la population lui est hostile et tout particulièrement lorsque cette population a déjà vécu l’horreur des massacres et de l’inquisition.

Le plus difficile à imaginer est la traduction de la pensée et de la littérature eschatologique dans la suite des évènements. Chacun est convaincu de l’imminence et de la nécessité d’un affrontement planétaire. L’anthropologie a montré que les mythes non seulement expliquent des tragédies anciennes, mais annoncent celles à venir d’abord comme une catharsis sociale ensuite comme préparation effective à un chamboulement historique majeur. Tous les observateurs impliqués dans le devenir du monde semblent à la fois redouter et attendre la venue de la fin pour être délivré de l’incertitude et du chaos.

Sur un plan plus terre-à-terre il est toujours difficile d’imaginer si les Russes vont doter la Syrie de défense anti aérienne et de système de guerre électronique, si les Syriens vont subir les assauts de l’armée américaine et voir leur armée disparaitre comme celle de l’Irak, si les Américains vont tolérer d’être pris pour cible….

Beaucoup de questions et peu de réponses. Les fanfaronnades médiatiques témoignent que les va-t-en-guerre ne se sont pas posés les bonnes questions et n’ont pas toutes les réponses. Lorsque le président français se posent des questions et répond aux journalistes en leur disant qu’il ne leur dira pas comment et où les frappes militaires vont se faire il se dupe et dupe l’opinion. Il ne sait pas car il n’a pas pouvoir de savoir. Il ne sait pas car les donneurs d’ordre ne le savent pas. Les Français savent qu’il ne sait pas et ils ne lui font pas confiance. Quel est le devenir d’une coalition boiteuse, menteuse et fragile ?

Dans la modernité Prométhée représente l’Etat d’esprit de l’entrepreneur matérialiste. Dans la post modernité Hermès représente le spectacle de la communication. Vivant une modernité agonisante et une post modernité avortée l’Occident est devenu un pervers narcissique en rupture avec l’ordre et la mesure, mais aussi un schizophrène qui croie que le discours des médias est la réalité qu’il a façonnée de sa main et décidée par sa volonté. Le comble de la morbidité psychique et de la confusion mentale c’est de croire qu’après l’agression sioniste contre Gaza on peut aligner de nouveau les Phantom et les Apache contre des peuples qui vont rester dociles et qui ne vont pas s’inventer de nouveaux moyens de résistance pour ne pas dire des instruments de vengeance.

Nous pouvons faire le même pari que celui que nous avons fait l’année passée à la veille de l’agression contre la Syrie. L’empire ne réagit qu’au rapport des forces. Le Hezbollah, puis l’Iran, ensuite les Russes viendront à tour de rôle intervenir dans ce rapport de force. Comme l’année dernière, le Hezbollah affichera clairement son intention de pointer ses missiles sur Tel Aviv, l’Iran affichera clairement son intention de pointer ses missiles sur les bases américaines et sur le détroit arabo persique, les Russes se mettront en mobilisation générale et afficherons leur détermination à soutenir la Syrie.

Les Russes peuvent refaire le coup du « Roque » et cette fois-ci ce ne sera pas le chimique syrien mais l’Ukraine. L’UE sera le dindon de la farce qui permet aux Américains de sauver la face. Sur le terrain les Russes et les Iraniens vont sans doute aider les Syriens et les Irakiens à prendre des positions stratégiques rendant l’intervention américaine inutile et tout son cinéma médiatique ridicule. Avec ou sans deal entre les Américains et les Russes nous serons d’une manière ou d’une autre dans la situation du jeu « ton doigt entre mes dents et mon doigt entre tes dents, si tu me mords je mordrais en plus fort ».

Qui est le joueur le plus déterminé à mordre l’autre et quels sont le niveau et le délai de souffrance qu’il s’autorise avant de céder. La logique du jeu permet d’envisager froidement les scénarios possibles après que l’un des joueurs ait perdu son doigt arraché par la morsure de son adversaire. Il est fort probable que le référendum en Ecosse devienne la morsure décisive. Ce serait une humiliation pour l’empire et ses vassaux, mais une économie de souffrances et de sang pour les peuples de la planète.

A l’instar des Écossais les peuples musulmans aimeraient choisir librement et démocratiquement les gouvernants et le mode de gouvernance qui leur convient. Ce jour là les charlatans égyptiens et saoudiens n’auront plus de voix pour détourner les musulmans du devoir de lucidité et de vérité. Pour l’instant et quels que soient les retournements de situation et les arrangements de circonstances nous devons afficher les invariants et les positions de principe :

Non à l’ingérence étrangère. Non à l’effusion de sang. Non à l’imposition idéologique.

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