Wissam Al Hassan, la dague du dispositif sécuritaire saoudien au Proche orient.

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Liban-attentat : Wissam Al Hassan, la dague du dispositif sécuritaire saoudien au Proche orient.

 

Réplique sismique de la décapitation de la hiérarchie militaire syrienne, le 18 juillet dernier à Damas (1), l’assassinat du Général Wissam Al-Hassam, l’homme lige du clan Hariri sur le plan sécuritaire au Liban, a retenti comme un revers stratégique majeur du camp atlantiste, à forte charge symbolique, à forte portée psychologique.

 

Se superposant à la destruction des sanctuaires de Tombouctou (Nord Mali) par les affidés du Qatar, Ansar Eddine, et à l’assassinat de l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye, Christopher Evens, à la date hautement symbolique du 11 septembre à Benghazi par les obligés néo islamistes de l’Amérique, le dégagement sanglant de Wissam al Hassan, va sans nul doute opérer un profond bouleversement du paysage politique tant au Liban, qu’au-delà, sur l’ensemble du Moyen orient.

 

Survenant trois mois jour pour jour après l’attentat de Damas, la déflagration de Beyrouth, le 19 octobre, en plein fief chrétien de la capitale libanaise, constitue une parfaite illustration des dérives incontrôlées du conflit syrien et de ses retombées sur le Liban, dont les conséquences pourraient s’avérer gravement dommageables tant pour le clan Hariri au Liban, que pour son parrain saoudien, que pour leur parrain commun, les Etats-Unis, par ricochet pour la Syrie elle-même et le clan Assad et ses alliés, alors que la zone frontalière syro libanaise paraît complétement gangrénée par des trafics en tous genres, d’infiltrations de djihadistes de tous poils et d’apprentis sorciers sulfureux surgis de nulle part à la recherche d’odeurs de poudre, prélude à la constitution d’un «Sunnitoland».

 

A cinq mois de l’ouverture du procès Hariri à la Haye, la disparition de ce témoin faisandé, embourbé dans la gestion d’un nouveau mystérieux faux témoin de l’affaire Michel Samaha, Milad Kfouri, pour cruel que soit ce constat, arrangerait bon nombre de protagonistes de cette épreuve de force interminable entre le camp atlantiste et ses contestataires régionaux en vue de la maîtrise du jeu régional.

Quelle soit ou non impliquée dans cet attentat,

quelle que soit son degré d’implication, la Syrie va immanquablement être pointée du doigt et criminalisée selon un processus identique à celui qui a prévalu lors de l’attentat contre l’ancien premier ministre Rafic Hariri, le 15 Février 2005.

 

Au-delà des accusations fondées ou pas, force est toutefois d’admettre que le fait que l’attentat se soit produit en plein fief chrétien de la capitale libanaise, à proximité d’une permanence du parti Phalangiste, une des principales formations chrétiennes libanaises, témoigne, sept ans après le retrait syrien du Liban, sinon de la dextérité des services syriens, si les charges anti syriennes étaient fondées, à tout le moins de la négligence coupable de la victime et de ses services qui n’auront su, en dépit des considérables moyens mis à leur disposition, déjouer les menées hostiles.

L’homme bénéficiait d’une sorte de passe-droit et ses services d’un quasi de statut d’extra-territorialité du fait de ses protections pétro monarchiques, dont il a usé et abusé pour impulser, malgré ses déboires, sa promotion aux plus hauts échelons de la hiérarchie militaire et doté ses services d’un important budget et d’équipements sophistiqués fournis abondamment par les pays occidentaux.

 

L’élimination du chef d’un service de renseignements à la dévotion de la famille Hariri, ancien garde de corps rescapé lui-même de l’attentat contre ancien premier ministre Rafic Hariri, au rôle primordial dans la mise en circulation de «faux témoins» du procès Hariri et de l’enquête à charge du Tribunal Spécial sur le Liban, paraît devoir fragiliser considérablement le leadership politique du Clan Hariri au Liban, rendant même problématique le retour dans l’immédiat à Beyrouth du chef du clan Hariri son chef, l’ancien premier ministre Saad Hariri, en exil depuis le début du «printemps arabe», il y a deux ans.

 

Personnage clé des opérations de déstabilisation anti-syriennes, interlocuteur privilégié des services français et américains, artisan de l’arrestation de l’ancien ministre libanais pro syrien Michel Samaha, maître d’œuvre du rapprochement franco syrien sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Wissam Al Hassan était surtout et avant tout la dague sécuritaire du dispositif régional saoudien.

 

Son assassinat revêt dans cette perspective un magistral camouflet au maître d’œuvre de la contre-révolution arabe, le Prince Bandar Ben Sultan, le chef des services de renseignements saoudiens en ce qu’elle le prive d‘un de ses plus fidèles lieutenants, alors que le Royaume se trouve en phase de turbulence avec les révoltes populaires de la région d’Al Assir, fragilisé par l’absence des principaux dirigeants du pays, Le Roi Abdallah, en hospitalisation prolongée hors du pays depuis trois mois, de même que le ministre des Affaires étrangères, Saoud Al Faysal.

 

Dans la tradition des chefs du renseignement du Moyen-Orient, le général Hassan est un personnage énigmatique, redouté dans son propre pays, comme l’était son modèle maronite Johnny Abdo. Et si le masque énigmatique masquait en fait une réputation non justifiée?

 

Johnny Abdo, le mentor maronite

 

Les légendes ont la vie dure, quand bien même l’état de service ne le justifie pas.

Bachir Gemayel, président du Liban en 1982, et Rafic Hariri, chef du gouvernement en 1992, auront eu le même mentor: Johnny Abdo, ancien chef du service des renseignements de l’armée libanaise, dont son parrainage leur sera fatal en même temps qu’il le discréditait. Mais cet homme énigmatique, au rôle occulte, interface des services occidentaux pendant trente ans, continue de bénéficier d’un halo de mystère.

Conseiller militaire du chef phalangiste durant la guerre civile en infraction à ses fonctions officielles au sein de l’armée régulière libanaise, son agent de liaison auprès des services occidentaux et de leurs alliés régionaux, cheville ouvrière de la campagne visant à son élection à la tête de l’état libanais en remplacement du président Elias Sarkis, dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban, en 1982, puis de la campagne visant après son assassinat à propulser son frère aîné Amine à sa succession, Johnny Abdo est un homme de l’ombre par excellence.

 

Le flou entretenu sur ses origines, il serait de souche palestinienne, la rapidité avec laquelle il aurait été naturalisé, sa facile incorporation dans l’armée qui plus est dans un service aussi sensible que le renseignement, la consonance anglo-saxonne de son prénom dans un environnement arabe, la singularité pour ce colonel de décliner son identité selon son statut civil et non par son grade dans l’armée, contrairement à l’usage observé par tous les officiers libanais passés à la notoriété, ont accentué le mystère qui l’entoure.

 

Ancien bras droit du Colonel Gaby Lahoud, véritable patron du renseignement moderne libanais et artisan de son intrusion dans la vie politique locale après la première guerre civile libanaise, en 1958, homme de sang-froid sans état d’âme apparent, d’origine étrangère cultivant le secret de surcroît, Johnny Abdo focalise une large part de la vive suspicion que les Libanais nourrissent à l’égard d’une institution qui pendant près de deux décennies est apparue comme le gouvernement occulte du Liban aux procédés jugés sans rapport avec l’éthique démocratique et républicaine.

S’il peut se targuer d’avoir propulsé ses deux poulains au pouvoir, son bilan est sujet à caution. Bachir Gemayel, éphémère président du Liban, a été tué dans un attentat quelques jours avant sa prise fonction, alors que Rafic Hariri, s’il a battu un record de longévité gouvernementale dans l’histoire du Liban avec un double mandat de dix ans, a implosé en pleine trajectoire après avoir mis en coupe réglée l’économie du pays et grevé le trésor d’une dette publique de 42 milliards de dollars.

 

Mais le reproche le plus grave que cet homme de l’ombre encourt est d’avoir fourvoyé le camp chrétien dans une alliance exclusive avec les Israéliens au mépris du voisinage arabe du Liban, accentuant son isolement; d’avoir instrumentalisé son propre camp pour satisfaire des ambitions présidentielles, et, au niveau de l’armée, d’avoir rompu la traditionnelle fraternité d’armes lors de l’élection présidentielle libanaise de 1998.

La ténébreuse affaire du faux témoin syrien Mohamad Zuheir Siddick, témoin à charge contre la Syrie dans le procès en instance de l’assassinat de Rafic Hariri, qui lui aurait été partiellement imputée, aura été fatale à sa réputation, le signe patent de l’échec d’un homme qui aura sinistré son pays plus qu’aucun autre et voué au bûcher deux de ses poulains pour la satisfaction de ses ambitions présidentielles contre les intérêts à long terme de son pays.

 

Johnny Abdo fait l’objet d’une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris, sur requête du Général Jamil As Sayyed, ancien directeur général de la sûreté libanaise, un des quatre officiers arbitrairement détenus pendant trois sur la base des dépositions du faux témoin en question. Un épisode qui a couvert de ridicule le Tribunal spécial sur le Liban et les auteurs de la manipulation. L’échec est patent. Mais la légende perdure.

 

Le disciple: Wissam Hassan, la version sunnite de l’homme de l’ombre

 

Son zèle scolaire lui a sauvé la vie, mais gâché sa vie. Lors du plus fort séisme politique de l’histoire moderne du Liban, le plus important attentat meurtrier de l’histoire de ce pays, qui a emporté 23 personnes et blessés plus d’une centaine blessés, dont l’assassinat de l’espoir de l’Occident en terre arabe, Rafic Hariri, l’homme en charge de sa protection était tranquillement assis sur les bancs d’un amphithéâtre de l’Université libanaise, entrain de noircir sa copie.

 

Un hasard qui lui a certes sauvé la vie, mais gâché sa vie, l’empoisonnant même au-delà de toute attente, tant est lourde la suspicion qui pèse sur cet homme animé d’un pressant besoin de respectabilité universitaire.

 

Son nom sera ainsi irrémédiablement associé au grand ratage de sa vie, l’assassinat de Rafic Hariri, dont il était chargé de sa protection rapprochée, qu’il n’a ni prévu, ni anticipé, ni entravé, ni déjoué, davantage préoccupé par sa promotion universitaire que par la sauvegarde de son bienfaiteur.

 

En pleine épreuve de force entre la Syrie et son patron, au paroxysme d’un conflit régional, dont des personnalités libanaises, notamment Marwane Hamadé, ministre des télécommunications (octobre 2004), en étaient déjà les victimes, au titre de dommage collatéral, signe annonciateur de plus grands malheurs, sur fond d’un traumatisme psychologique majeur provoqué par l’éviction du pouvoir des sunnites d’Irak et la propulsion, pour la première fois depuis Saladin (Salah Eddine Al Ayoubi), d’un Kurde à la tête de l’ancien siège de l’Empire, Bagdad, ancienne capitale des abbassides, (Janvier 2005), à l’arrière-plan d’un bain de sang quotidien et d’une fermentation intégriste au Liban, Wissam Al-Hassan, avait demandé d’anticiper la soutenance de sa thèse, couronnement d’un enseignement en informatique à l’Université libanaise sous la conduite du professeur Yahya Rabih.

 

Une thèse qui portait, non sur la stratégie de contre guérilla, ou, les règles d’engagement des actions armées en milieu insurrectionnel urbain, voire même le décryptage des réseaux de télécommunications, alors noyautées par les services occidentaux et Israéliens, mais en Sciences Humaines sur le “Management et relations humaines” sans qu’il ait été possible de savoir si cet intitulé anodin couvait l’art de la manipulation de l’opinion ou la gestion de faux témoin comme cela se révélera par la suite.

 

Un étrange alibi

 

Responsable de la sécurité de Rafic Hariri au moment de son assassinat, il était devenu le principal point de contact entre l’enquête et les Forces de sécurité intérieure. Sauf que le chef des gardes de corps, grassement payé, n’était pas dans le convoi le jour de l’explosion. Et son alibi manque de conviction.

 

Selon les révélations de la télévision publique canadienne CBC, en date du 22 novembre 2010, le Colonel Wissam Hassan dira aux enquêteurs de l’ONU, le 9 juillet 2005, que la veille de l’assassinat, le 13 février, son professeur, Yahya Rabih, lui avait téléphoné pour l’informer qu’il devait passer un examen le lendemain.

 

Vingt minutes plus tard, a-t-il dit aux enquêteurs, Hariri l’a appelé pour lui demander de venir le voir. Le colonel Hassan s’est présenté à la résidence de Hariri à 21 h 30 ce soir-là, et a obtenu la permission de son patron d’aller passer son examen le lendemain. Il a passé toute la matinée du lendemain à étudier pour cet examen, a-t-il expliqué aux enquêteurs de l’ONU, et a débranché son téléphone à son arrivée à l’université, soit à peu près au moment où Hariri est mort. “Si je n’avais pas passé cet examen, a dit Hassan aux enquêteurs, j’aurai été avec Hariri au moment de sa mort.

 

Mais le relevé des appels téléphoniques de Hassan donnait une toute autre version des faits. En réalité, c’est en fait tait le colonel Hassan qui avait pris l‘initiative d’appeler son professeur, et non l’inverse.

 

Les stations cellulaires autour de la maison du colonel Hassan montraient également que, le lendemain, il avait passé les heures précédant l’assassinat de Hariri au téléphone, soit le temps qu’il avait soi-disant passé à étudier. Il a fait 24 appels, soit en moyenne un appel toutes les neuf minutes.

 

Ce que les enquêteurs de l’ONU trouvaient également bizarre, c’était que, normalement, les hauts responsables des services de sécurité du Liban ne passent pas d’examens. “Son alibi est faible et incohérent, dit un rapport confidentiel de l’ONU, qui qualifie Hassan de “possible suspect dans le meurtre de Hariri”.

 

Le rapport, dont CBC News a obtenu une copie, a été rédigé fin 2008 pour Garry Loeppky, un ancien haut gradé de la GRC qui avait repris le poste d’enquêteur en chef de l’ONU cet été là. L’alibi de Hassan, pouvait-on lire dans le document, «ne semble pas avoir fait l’objet d’une vérification indépendante”. Ce n’était pas par manque de volonté de la part des enquêteurs de l’ONU. Ceux-ci auraient voulu vérifier l’alibi de Hassan. Mais M. Serge Brammertz, le deuxième commissaire de l’ONU, avait catégoriquement rejeté l’idée. Il considérait Hassan comme un contact trop important et que toute enquête de ce genre serait trop dérangeante.

 

Une enquête sous tension

 

Le rapport confidentiel concède qu’une enquête sur Hassan pourrait avoir des inconvénients: “Les relations de la commission avec les FSI pourraient en souffrir et si, d’une manière ou d’une autre, il a été impliqué dans le meurtre de Hariri, le réseau pourrait décider de l’éliminer”.

 

Néanmoins, le rapport affirme que le colonel Hassan “est un interlocuteur clé pour la commission – il est particulièrement bien placé pour influencer notre enquête. C’est pourquoi il importe de résoudre certaines questions concernant sa loyauté et ses intentions. Il est donc recommandé de mener une enquête discrète sur WAH ” Mais même cela n’a pas été fait.

 

La direction de la commission de l’ONU a ignoré la recommandation. Aujourd’hui encore, d’anciens enquêteurs de l’ONU ont des soupçons sur Hassan qui, font-ils remarquer, a finalement été éliminé du cercle de l’enquête. “C’était un personnage louche, a dit de lui un ancien haut responsable de l’ONU. Je ne crois pas qu’il ait participé au meurtre, mais il est impossible de dire ce qu’il savait”.

 

Bien qu’il leur ait été intimé l’ordre d’abandonner cette piste, les enquêteurs de l’ONU ont réussi à récupérer les registres des appels téléphoniques de Hassan pour la fin de 2004 et pour 2005 au complet. Durant cette période, il avait eu 279 discussions avec Hussein Khalil, l’adjoint principal du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Khalil, de son côté, avait parlé 602 fois avec Wafik Safa, connu dans le milieu du renseignement comme étant l’homme fort du service de sécurité interne du Hezbollah.

 

Mais personne n’a interrogé Hassan non plus au sujet de ces appels.

Toutefois, Hassan avait également ses défenseurs. Il est resté un proche allié du fils de Hariri, Saad, l’ancien premier ministre du Liban, qui lui a renouvelé sa confiance après ses révélations.

 

L’homme pouvait rendre service et le prouvera dans sa gestion du faux témoin Zuhayr Muhammad Siddiq remonte à septembre 2005. Le 26 septembre 2005, la commission d’enquête internationale entend la déposition de Siddiq en présence du Colonel Hassan. Le lendemain, Siddiq établit une reconnaissance de sa participation directe à l’assassinat de Hariri, un document contresigné par l’officier libanais.

 

Depuis, Hassan était accusé d’avoir participé à la falsification de la déposition. Le colonel rejettera cette accusation assurant que sa présence était uniquement justifiée pour les besoins de la traduction des propos tenus en arabe par Siddiq. Des accusations persistantes de l’opposition libanaise désignent le Colonel Hassan comme l’homme qui, sous l’autorité du clan Hariri, a assuré la gestion du dossier du faux témoin Zouheir Siddiq.

 

Dans un zèle compensatoire, Wissam Hassan veillera à maintenir l’enquête sur les rails menant à la Syrie, dégageant de son passage, pour s’y substituer, les quatre officiers supérieurs en charge de la sécurité du pays, qu’il expédiera en prison, tant pour mettre la main sur les dossiers sensibles de l’affairisme syro-Haririen au Liban, que pour pourvoir au ravitaillement du Tribunal Spécial sur le Liban de son contingent de faux témoins.

 

L’homme que l’héritier vouait à prendre la tête d’un appareil sécuritaire ultramoderne, à l’effet de faire contrepoids à l’armée et au Hezbollah, la milice chiite armée, l’homme destiné à être le commandant en chef de l’armée sunnite, représentée par les Forces de Sécurité Intérieures (FSI), est, en fait, le talon d’Achille de Saad Hariri dans sa confrontation avec son opposition. Dans le feu de la bataille, alors que le tribunal international menaçait de faire des révélations sur l’implication des plus hautes autorités iraniennes et syriennes, l’Ayatollah Ali Khaménéi, via les troupes d’élite des Pasdarans -la brigade Al Qods »- une fuite opportune révélait au grand jour la nature duplique de cet homme de l’ombre.

 

La chaîne de télévision libanaise « New TV » diffusait, le 15 janvier 2011, à l’avant-veille de la remise des conclusions de l’enquête internationale, un documentaire montrant Saad Hariri, Wissam Al Hassan, Gerhard Lehman, l’assistant du procureur international, et le faux témoin Zouhair Siddiq, dans des conciliabules s’apparentant à une conjuration de cloportes. Sous réserve de son authenticité, ce document a démasqué, au grand jour, la connivence entre les divers protagonistes du clan pro occidental dans la fabrication des « faux témoins ».

 

L’origine de la fuite est sujette à controverse. Une hypothèse privilégie la piste de Gerhard Lehman, se fondant sur les précédentes accusations d‘Hassan Nasrallah selon lesquelles l’enquêteur allemand avait cherché à vendre la déposition des témoins de l’enquête internationale. Une autre hypothèse pencherait plutôt vers la piste Wissam Al-Hassan qui, selon cette thèse, aurait fait fuiter la vidéo vers les services syriens pour se prémunir contre un éventuel retour de bâton.

 

Dans la tradition des chefs du renseignement du Moyen-Orient, le général Hassan est un personnage énigmatique, redouté dans son propre pays, comme l’était son modèle maronite. Et si le masque énigmatique masquait en fait une réputation non justifiée? Et si ces fameux hommes de l’ombre n’étaient que l’ombre de leur réputation? Une meilleure exposition aurait-elle bridé les corrosives nuisances de leurs sombres manigances? Rendue la démocratie au Liban moins ténébreuse?

 

Le mentor maronite a assisté impuissant à l’implosion de ses deux poulains, le disciple, lui, s’est débattu de l’accusation de désertion, consécutive à son soupçon d’abandon de poste, en pleine bataille politique qui a coûté la vie au sens de sa mission.

Wissam Al Hassan a échoué dans les trois missions majeures à lui assignées durant sa carrière: la protection de Rafic Hariri, la gestion du dossier des faux témoins et le maintien sous verrou des quatre officiers libanais, qui seront libérés après quatre ans de détention avec leur concert de révélations.

 

Dans la grande épreuve de leur vie, tous les deux ont glané, non le prix d’excellence, mais le zéro pointé. Wissam Hassan, étymologiquement “la distinction honorifique au meilleur”, a assurément démérité son nom. De sa vie, il en a payé le prix.

Pour solde de tout compte sans pour autant que cette mort ne mette un terme à la guerre de l‘ombre que se livrent les deux grands fauves de la guerre clandestine interarabe, Bandar Ben Sultan, l’ancien Great Gatsby de l’establishment américain et son rival syrien, le colonel Hafez Makhlouf, l’home secret du régime baasiste.

 

Références

1 – Un attentat-suicide a visé mercredi 18 juillet 2012 à Damas le centre du pouvoir syrien, emportant l’une des figures le plus emblématiques du clan Assad, le général Assef Chawkat, le propre beau-frère de Bachar Al-Assad. L’attentat, qui aurait été mené par un membre de la garde rapprochée d’un des participants à une réunion du Conseil national de sécurité, a emporté plusieurs hauts responsables de l’appareil militaro sécuritaire syrien, notamment le ministre de la défense, Daoud Rajha et le responsable de la cellule de crise chargée de la rébellion, le général Hassan Turkmani.

L’attaque est survenue deux semaines après la défection d’un membre du premier cercle du pouvoir baasiste, le général Manaf Tlass, officier supérieur de la garde présidentielle et fils de l’ancien ministre de la défense, le général Moustapha Tlass..

Cauda

La polémologie du Moyen orient recense de nombreux attentats infiniment plus spectaculaires et meurtriers que l’attentat de Damas du 18 juillet 2012, dont voici les plus importants

• 1980 : Attentat des Moudjahidine Khalq contre le centre du pouvoir à Téhéran, entraînant l’élimination des certains des principaux dirigeants la hiérarchie politico religieuse de la République islamique iranienne.

• 6 octobre 1981 : Assassinat du président égyptien Anouar El Sadate

• 15 septembre 1982 : Assassinat du président élu libanais Bachir Gemayel, la veille de son entrée en fonction

• 1983 : Attentat de Beyrouth contre l’ambassade américaine provoquant la décapitation de l’Etat-major de la CIA au Moyen orient.

• 1984 : Attentat contre le QG israélien à Tyr, faisant deux cent vingt victimes, dont le commandant des forces israéliennes au Sud Liban.

• 1984 : Double attentat de Beyrouth contre le Quartier général des forces américaines et le Drakkar, le PC français, provoquant une hécatombe, fauchant près de quatre cents soldats et civils.

• 1986 : Attentat d’Aden ourdi par le propre premier ministre Ali Nasser Mohamad contre ses rivaux entrainant la décapitation de toute la hiérarchie marxiste du Yémen sud, provoquant par ricochet une guerre civile et la fuite de M. Ali Nasser vers Damas.

 

 

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