L’adversaire et le problème

Combien de milliards ont dépensé les potentats arabes pour se faire les mentors du « printemps arabe », recruter des djihadistes et les armer, financer des journaux, des chaines de télévision et tout ce qui veut bien se vendre de la mer à la mer ? Beaucoup. Pour un résultat qui, au final, donne de cette région l’image d’un foyer de désordre et de discorde à la merci de la moindre provocation.

Salima Ghezali

 

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Nakoula Basseley Nakoula alias Sam Bacille et une actrice Anna Gordji du navet "Innocence of Muslims"

 

Il a pourtant suffit, lundi dernier à Beyrouth, au charismatique secrétaire général du Hizbollah, Hassan Nassrallah, de moins de trente minutes de discours et de présence au milieu d’une foule disciplinée pour donner à voir la supériorité de la norme sur l’arbitraire. De la structuration politique sur la basse manipulation. Et bien d’autres choses encore.

 

Il est, certes, utile de savoir, qui a manœuvré qui, pour qu’un minable navet islamophobe se retrouve propulsé au rang d’évènement mondial. Mais devant la répétition des provocations, il est aussi utile de noter le contraste dans la gestion des réactions. Le fait est que certains ont réagi dans la confusion, le désordre et une violence inadmissible, tandis-que d’autres ont saisi l’occasion pour faire une démonstration de force à la fois pacifique, populaire, radicale et maitrisée. Et ceci n’est pas fortuit.

 

En dépit de tout ce que la propagande déverse quotidiennement sur nos têtes, aucune société ne peut faire l‘économie de son organisation et de sa structuration politique. Selon des règles qui s’imposent à tous. Il n’existe pas de « beylik » (au sens qu’on lui donne chez nous) de la vie publique qui vivrait de sa propre vie, indépendamment de l’investissement citoyen organisé et militant. A l’heure de la globalisation le gérant du « beylik » c’est la matraque (على من إستطاع) et la manipulation (بما كسبت أيديهم). D’où qu’elles viennent.

 

Internet qui s’est vu attribuée la paternité du « printemps arabe » pour une révolution politiquement immaculée a-t-il pu remplir cette fonction organisatrice de substitution ? Va-t-on le répudier pour incompétence ?

 

Ou bien va-t-on simplement attendre que l’ouragan passe. Comme sont passés les précédents. Dans le renouvellement des vassalités et des impuissances, le déchaînement des violences et l’aveuglement stratégique.

 

Ce que l’on peut d’emblée constater, c’est que ceux qui disposent de la plus grande puissance de feu dissuasive (éprouvée et pas seulement achetée), l’Iran et le Hizbolah, disposent également des meilleures capacités de mobilisation populaire pacifique.

Comme ils disposent des capacités organisationnelles pour retourner à leur avantage une situation défavorable. De même qu'une stratégie susceptible de multiplier les alliances internationales sur des bases respectables.

 

Avec tout leur argent, les cheikhs du Golf ont juste réussi à drainer des légions de djihadistes pour transformer le monde arabe en un enfer de destruction où les pires crimes contre Dieu et contre l’humain se commettent aux cris d’Allah Ou Akbar ! Même le très conservateur mouvement des « frères musulmans » est tenu en bride de manière à ne pas prendre trop de libertés politiques. Les gouvernements qui en sont issus se retrouvent dans l’impossibilité de disposer de l’autonomie suffisante pour élaborer de véritables contrats politiques nationaux dans leurs sociétés respectives (Tunisie, Egypte). La création accélérée de groupes salafistes prompts au takfir servant à maintenir la tension à un niveau infra-politique. Un niveau forcément fait de violences, de haines et de désordres.

 

Ces « amis » de l’Amérique et de l’occident auraient-ils pu accueillir le Pape en visite au Liban comme l’a fait le Hizbolah ? En mobilisant des foules musulmanes aux bras chargés de roses venues souhaiter la bienvenue au saint-pontife et lui exprimer leur souci du vivre-ensemble. Et ceci d’abord par ce que l’affirmation -sans ambiguïté- d’un engagement en faveur du vivre ensemble est un défi majeur. Un défi d’autant plus essentiel à relever que, depuis des siècles, c’est sur la base de l’activation et de la manipulation des dissensions internes qu’ont été conduites la domination, l’exploitation et la colonisation.

 

Les « amis » arabes des politiques de l’Amérique et de l’occident auraient-ils pu, dans un même élan, mobiliser des masses en colère pour protester contre l’injure faite au Prophète et faire clairement scander à la foule réunie : « Que Dieu protège tous ses envoyés : Abraham, Moïse, Jésus et Mohammed (QSSL) » ?

 

Le hizbolah l’a fait. Et dans cette partie du monde déchirée par les dissensions religieuses, le fait mérite d’être souligné. Ici, l’affirmation du droit au pluralisme religieux se double de l’engagement politique qui, seul, est à même de garantir, et gérer, l’espace où peut se déployer l’exercice de la liberté dans le respect mutuel.

 

Quand l’expression de la colère passe par le rappel des principes fondateurs de la civilisation humaine, sans rien céder du droit d’être, de dire et de faire selon le droit inaliénable des peuples à se défendre et à défendre leur dignité, non seulement elle échappe à l’entreprise de dégradation de ceux qui l’ont provoquée, mais elle réaffirme la supériorité morale de l’offensé sur ses détracteurs.

 

A comparer les prestations du Hizbolah avec celles des nouveaux maitres de la rue à Benghazi, au Caire ou à Tunis, ou avec le silence assourdissant de leurs bailleurs de fonds, il est clair que nous sommes dans un cas face à un adversaire et dans l’autre face à un…problème.

 

On n’a jamais vu quelqu’un négocier avec un problème.

 

 

http://www.lanation.info/L-adversaire-et-le-probleme_a1403.html

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