Reprise ou écroulement ? Pariez sur l’écroulement

Paul Craig Roberts

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Institute for Political Economy, Paul Craig Roberts

      Tout comme la police, le système financier zunien, et probablement le système financier de l'Europe, ne servent plus un but social utile.

      En Zunie, la police s’est avérée être une plus grande menace pour la sécurité publique que les criminels du secteur privé. Je viens de googler « police brutality » [brutalité policière] et il en est résulté plus de 183.000.000 occurrences. (Voici deux agressions brutales récentes, dont une mortelle, de la police contre deux malheureux : Vidéo de Kelly Thomas : « Papa, ils me tuent » et Malgré les preuves filmées, le jury entièrement blanc acquitte le policier qui a matraqué l’adolescent noir.)

      Le coût du système financier privé est encore plus élevé pour la société. Écrivant dans CounterPunch (18 mai), Rob Urie rapporte qu'il y a deux ans, Andrew Haldane, directeur exécutif pour la stabilité financière à la Banque d'Angleterre (la version britannique de la Réserve fédérale), avait déclaré que, quand la crise financière à présent dans sa quatrième année prendra fin, elle aura coûté à l'économie mondiale entre 60.000 et 200.000 milliards de dollars en perte de PIB. Si le rapport de Robert Urie est véridique, il s’agit d’un aveu étonnant de la part d’un énergumène de l'élite dirigeante.

      Essayez de vous représenter ces chiffres. Le PIB de la Zunie, le plus grand du monde, tourne autours des 15.000 milliards de dollars. Ce que nous dit Haldane, c'est que la crise financière finira par infliger au monde une perte de revenu réel entre 4 et 13 fois le montant du produit intérieur brut actuel de Zunie. Cela pourrait s'avérer être une prévision optimiste.

      En fin de compte, la crise financière pourrait anéantir la civilisation occidentale.

      Même si le rapport d’Urie, ou le calcul de Haldane, est incorrect, la grosse perte économique évidente de la crise financière est toujours sans précédent. Le coût colossal de la crise financière a pour unique source la déréglementation financière. La déréglementation financière a des chances de s’avérer être l'erreur qui détruit la civilisation occidentale. Pendant que dans nos bottes nous tremblons de peur des « terroristes musulmans », c’est la déréglementation financière qui nous ravage, avec l'aide de la délocalisation des emplois. Gardez à l'esprit que Haldane est un membre de l'élite dirigeante, et non pas un critique du système, comme moi, Gerald Celente, Michael Hudson, Pam Martins, et Nomi Prins. (Ce n'est pas censé être une liste exhaustive des critiques.)

      La déréglementation financière a eu des conséquences dangereuses et néfastes. Elle a permis la concentration financière qui a produit les « banques too big to fail », obligeant de cette manière le grand public à absorber le coût de leurs erreurs et spéculation inconsidérée.

      En s’endettant énormément, grâce à un petit capital et un emprunt à effet de levier, la déréglementation a permis aux banques d’acheter de manière à optimiser le retour sur capitaux propres, maximisant ainsi l'instabilité du système financier et le coût pour la société des mauvais paris des banques.

      La déréglementation a permis aux établissements financiers de repousser les limites de position pour les spéculateurs et de dominer les marchés de matières premières, de les transformer en un jeu de casino et de faire monter le prix de l'énergie et de la nourriture.

La déréglementation permet aux institutions financières de vendre à découvert, ce qui veut dire, vendre sur le marché des actions d’entreprises ou des lingots d'or et d'argent que le vendeur ne possède pas, afin d’en faire baisser le prix.

      Le lecteur averti peut ajouter d'autres éléments à cette liste.

      Grâce à son rôle de monnaie de réserve mondiale, le dollar est la source du pouvoir de Washington. Il permet à Washington de contrôler le système de règlement international et d'exclure du système financier les pays qui ne se soumettent pas à lui. Il permet à Washington d’imprimer de l'argent pour payer ses factures et d'acheter la coopération de gouvernements étrangers ou de financer l'opposition dans les pays où Washington ne peut pas soudoyer les gouvernements, comme l'Iran, la Russie et la Chine. Si le dollar n'était pas la monnaie de réserve mondiale et reflétait réellement sa vraie valeur, dépréciée par sa somme de dettes et le fonctionnement de la planche à billets, la puissance de Washington seraient considérablement réduite.

      Récemment, le dollar zunien a failli disparaître à plusieurs reprises. En 2011, la valeur du dollar a chuté aussi bas que 72 centimes suisses. En quête de sécurité pour leur richesse, les investisseurs débordaient de francs suisses, poussant sa valeur si haut que les exportations de la Suisse ont commencé à souffrir. Le gouvernement suisse a réagi à l'afflux de dollars et d'euros cherchant refuge dans le franc, en déclarant qu'il imprimerait dans l'avenir de nouveaux francs pour compenser les entrées de devises, afin d'empêcher la montée de la valeur du franc. En d'autres termes, la monnaie fuyant la Zunie et l'Europe contraint la Suisse à produire de l’inflation pour empêcher la hausse continue de la valeur de change de sa monnaie.

      Avant la crise de la dette souveraine en Europe, le dollar avait aussi affronté une soudaine montée de la valeur de l'euro, car les banques centrales étrangères et des membres de l'OPEP avaient échangé leurs réserves de dollars par des euros. L'euro était en voie de devenir une monnaie de réserve alternative. Seulement, Goldman Sachs, dont d’anciens employés dominent le Trésor et les organismes de réglementation financière zuniens et aussi la Banque centrale européenne et le gouvernement de l'Italie et, indirectement, celui de la Grèce, a aidé le gouvernement grec à dissimuler son véritable déficit, trompant ainsi les banques privées européennes qui achetaient des obligations du gouvernement grec. Dès que la crise de la dette souveraine a été lancée en Europe, Washington avait un intérêt à la maintenir en cours, car elle fait fuir des détenteurs d'euros vers le dollar « sûr », renforçant ainsi la valeur de change du dollar, en dépit de la hausse considérable de la propre dette de Washington et du doublement de la masse monétaire zunienne.

      L'année dernière, les prix de l’or et de l'argent ont rapidement augmenté (par rapport au dollars zunien), avec l'or atteignant les 1.900 dollars l'once et sur la voie des 2.000 dollars, quand des ventes à découvert ont soudainement commencé à dominer le marché de l'or. Les ventes à découvert de lingots d'or et d'argent ont réussi à faire baisser le prix de l'or de 350 dollars l'once. De nombreux observateurs avertis estiment que la raison pour laquelle Washington n'a pas poursuivi les banksters pour leurs crimes financiers connus, c'est qu’en court-circuitant les lingots et les monnaies rivales, les banksters servent d'auxiliaires à Washington pour protéger la valeur du dollar.

      Qu'adviendra-t-il si la Grèce sort de l'UE de son propre chef ou par la botte allemande ? Qu'adviendra-t-il si les autres membres de l'UE rejettent l'austérité de la chancelière allemande Angela Merkel, comme a promis de le faire le nouveau président français ? Si l'Europe se brise, est-ce que d’autres investisseurs fuiront vers le dollar zunien condamné ?

      Est-ce qu'une bulle de dollar deviendra la plus grosse bulle de l'histoire économique ?

      Quand le dollar partira, les taux d'intérêt augmenteront, et le prix des obligations s'effondrera. Tous ceux qui ont cherché refuge dans les bons du Trésor zuniens seront nettoyés.

      Nous devrions tous être conscients que ces questions ne font pas partie du débat public.

      Récemment Bill Moyers a interviewé Simon Johnson, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international et actuellement professeur au MIT. Il s'avère que la déréglementation, qui a aboli la séparation entre banques d'investissement et banques commerciales, a permis à Jamie Dimon de JPMorganChase de jouer avec les dépôts assurés par le gouvernement fédéral. Malgré cela, Moyers rapporte que les républicains restent déterminés à supprimer la modeste loi de Dodd-Frank et rétablir la déréglementation totale.

      Simon Johnson dit : « Je pense que c’est [la déréglementation] une recette de désastre. » Le problème, dit Johnson, c’est que toute politique économique convenable est bloquée par les énormes dons que font les banques aux campagnes politiques. Cela signifie que l’attitude et les modèles à risque défectueux de Wall Street se traduiront par une crise financière encore plus grande que celle dont nous souffrons toujours. Et ça arrivera avant la sortie de la crise en cours.

      Johnson prévient que les républicains vont détourner tout le monde de la crise réelle en concoctant une autre « crise » sur le plafond de la dette.

      Johnson dit que « quelques personnes, en particulier autour du système financier et dedans, sont devenues trop puissantes. Elles ont été autorisées à prendre beaucoup de risques, et elles ont fait d'énormes dégâts à l'économie – plus de huit millions d'emplois perdus. Nous nous démenons toujours pour revenir à peu près au niveaux de l'emploi que nous avions avant 2008. Et elles ont fait d'énormes dégâts au budget. Ces torts faits au budget sont de longue durée ; ils sapent le budget au moment où nous avons besoin d'être plus forts du fait que la société vieillit. Nous devons soutenir la sécurité sociale et l'assurance-maladie sur une base juste. Nous devons restaurer et reconstruire les revenus, les revenus qui ont été complètement anéantis par la crise financière. Les gens doivent comprendre le lien entre ce que les banques ont fait et le budget. Et trop de gens ne le comprennent pas. »

      En conséquence, selon Johnson, les banksters continuent à engranger des mégabénéfices, tout en imposant à la société des coûts sociaux exorbitants.

      Peu de Zuniens et aucun décideur de Washington ne comprennent l’urgence de la situation. Ils sont trop occupés à faire du matraquage publicitaire sur une reprise inexistante et la prochaine guerre. Le statisticien John Williams signale que, mesuré correctement, comme un indicateur du coût de la vie, ce que l’indice des prix à la consommation n’est plus, le taux d'inflation actuel en Zunie est supérieur de 5 à 7 points au taux rapporté officiellement, que chaque consommateur connaît. Le taux de chômage diminue parce que, et uniquement parce que, ne pouvant pas trouver d’emploi, les gens se retirent du marché du travail et ne sont plus comptés comme chômeurs. Toute personne informée sait que les taux officiels d'inflation et de chômage sont des fictions ; et pourtant, avec le visage impassible, la pressetituée médiatique rapporte toujours ces taux comme vérité absolue.

      Au train où le gouvernement truque la mesure du chômage, il est possible pour la Zunie d'avoir un taux zéro de chômage sans qu’une seule personne soit employée ou dans la population active.

      Au train où le gouvernement truque la mesure l'inflation, il est possible que votre standard de vie s’écroule pendant que le gouvernement rapporte que vous vous en sortez mieux.

      La déréglementation financière propulse le rendement de combines spéculatives au-dessus du rendement de l'activité productive. La dette à fort levier financier et les produits dérivés qui nous ont donné la crise financière n'ont rien à voir avec le financement des entreprises. Les banques ne risquent pas seulement les dépôts de leurs clients sur des paris de jeu, elles mettent aussi en péril la stabilité financière du pays et l'avenir économique.

      Avec un œil sur la crise du dollar qui vient, laquelle détruira le système financier international, les présidents de Chine, de Russie, du Brésil, d'Afrique du Sud, et le premier ministre de l'Inde, se sont rencontrés le mois dernier pour discuter de l’établissement d'une nouvelle banque qui protégerait leurs économies et le commerce des erreurs commises par Washington et l'Union européenne. Les cinq pays, connus sous le nom de BRICS, ont l'intention de régler leurs échanges avec leurs propres monnaies et de cesser de dépendre du dollar. Le fait que la Russie, les deux géants asiatiques, et les plus grandes économies d'Afrique et d'Amérique du Sud quittent l'orbite du dollar, envoie un puissant message de manque de confiance envers la manipulation des affaires financières par Washington.

      Il est ironique de constater que les fruits de la déréglementation financière en Zunie sont à l'opposé de ce que les partisans du marché libre ont promis. Au lieu d’entreprises financières hautement compétitives, prospérant ou périclitant uniquement de leur virtuosité, sans intervention gouvernementale, nous avons une concentration financière sans précédent. Maintenant, d’énormes banques « too big to fail » [trop importante pour qu’on puisse se permettre de les laisser couler, ndt], envoient leurs pertes de plusieurs billions de dollars à Washington pour se faire rembourser par le contribuable lourdement endetté, dont les revenus réels n'ont pas augmenté en 20 ans. Les banksters ramènent chez eux des fortunes en primes annuelles pour leur réussite dans la socialisation des pertes bancaires du « marché libre » et dans la privatisation des profits, au point de ne même pas payer d’impôt sur le revenu.

      En Zunie, les économistes du libre marché ont déchaîné l'avarice et ont permis de faire des ravages. Est-ce que ces conséquences désastreuses discréditent le capitalisme dans la mesure où l'effondrement soviétique a discrédité le socialisme ?

      Est-ce que la civilisation occidentale elle-même survivra au tsunami financier qu’a produit Wall Street déréglementé ?

      Ironique, n'est-ce pas, que la Zunie, la patrie du « peuple indispensable », se tienne devant nous comme le candidat probable dont le gouvernement sera responsable de l'effondrement de l'Occident.

 

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Ancien Secrétaire Adjoint au Trésor pour la politique économique, Paul   Craig Roberts a aussi été rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal, chroniqueur pour Business Week, Scripps Howard News Service et Creators Syndicate. Il a obtenu de nombreuses affectations universitaires. Ses chroniques de presse sur Internet attirent des partisans dans le monde entier.

 

Original : www.paulcraigroberts.org/2012/05/20/recovery-or-callapse-bet-on-collapse/

Traduction copyleft de Pétrus Lombard

http://www.alterinfo.net

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