Le gouvernement syrien nie toute responsabilité et donne sa version des faits

Louis Denghien

 

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Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunissait ce soir pour débattre à nouveau de la situation, et que Kofi Annan est attendu à Damas lundi, le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, Jihad Maqdissi, a démenti catégoriquement, dans une conférence de presse tenue ce 27 mai, toute responsabilité des forces gouvernementales dans le massacre commis à Houla dans la région de Homs, dont le bilan a été porté à 116 tués et 300 blessés..

« La Syrie condamne sévèrement ce massacre contre des enfants de Syrie, femmes, jeunes et vieillards », a martelé M. Maqdissi, soulignant que la condamnation syrienne est double : «  Elle est portée évidement contre l’acte criminel, mais aussi contre le tsunami de mensonges qui ont afflué abondamment durant les deux derniers jours contre l’Etat syrien, l’aisance avec laquelle on porte des accusations contre les forces gouvernementales, accusations lancées par les médias mais aussi par certains ministres des Affaires étrangères et responsables occidentaux qui cherchent n’importe quelle occasion pour viser la Syrie et appeler à l’intervention militaire étrangère », a indiqué Jihad Maqdissi.

 

La version gouvernementale des évènements

 

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On ne sait pas, n'en déplaise à la classe politico-médiatique d'Occident, ce qui s'est vraiment passé vendredi à Houla

 

Évoquant les recoupements d’informations aussitôt avec les ministères de la Défense et de l’Intérieur et avec les autorités locales, M. Maqdissi a donné la version gouvernementale du drame de Houla : des centaines de personnes, équipées de différentes sortes d’armes lourdes, avaient lancé l’assaut contre la localité d’al-Houla après s’être rassemblées en groupes dans plusieurs régions, « ce qui laisse voir un acte synchronisé, délibéré et planifié », alors que les forces du maintien de l’ordre n’avaient pas quitté leurs positions et étaient en état de défense. Il a tenu à notifier qu’aucun char n’était entrée à Houla et que l’artillerie n’était pas pointée sur la zone du massacre.

 

Jihad Maqdissi a expliqué que les personnes armées s’étaient rassemblées vendredi à 14 heures – « ceci est un fait établi » a-t-il précisé -, et avaient utilisé pour leur assaut des pick-up portant des armes lourdes dont des mortiers, des mitrailleuses lourdes, des armes anti-chars, mode d’action qui, selon le porte-parole, est « chose nouvelle dans les confrontations contre les forces gouvernementales ». Il a ajouté que les forces gouvernementales dans cette région ne se trouvaient que dans cinq positions, « toutes en dehors de la zone du massacre », et que l’offensive commencée donc à « 14 heures  s’était poursuivie jusqu’à 22 heurs, faisant trois martyrs parmi les éléments des forces de l’ordre, et 16 blessés dont certains graves« . Jihad Maqdissi a aussi fait état de corps carbonisés du fait des armes lourdes employées.

 

M. Maqdissi a demandé à la presse et aux responsables politiques d’apprécier des faits suivants:

-Rassemblement des groupes armés dans les secteurs suivants (tous situés aux alentours de Homs) : Al-Rastan, Talbissa, al-Qusayr, (informations de services de renseignement), et offensive synchronisée à une heure précise. Maqdissi a aussi fait remarquer que la manière sauvage de tuer que suggéraient les images horribles n’est absolument pas dans la culture ou la morale de l’armée arabe syrienne. « Ils sont connus ceux qui descendaient des repaires pour tuer des innocents qui se croyaient en sureté dans leurs maisons, a insisté Maqdissi, et ceux-ci ne sont certainement pas les éléments de l’armée régulière ou des forces du maintien de l’ordre qui avaient eux fait le serment de les protéger ces innocents ».

-Le porte-parole du gouvernement syrien a souligné que le massacre n’était pas intervenu seulement à al-Houla, qu’un autre a frappé le village voisin d’al-Chomaryé où les terroristes ont mis le feu aux récoltes, aux maisons et à l’hôpital national du village, « un acte absolument injustifiable et qui mérite une réunion du Conseil de Sécurité pour discuter de celui qui finance, arme, donne l’abri et incite à faire venir l’OTAN ».

-Par ailleurs, M. Maqdissi a jugé utile de relever la synchronisation de ces actes effroyables avec la réunion du Conseil de Sécurité ou avec l’annonce d’une visite d’Annan en Syrie, prévu pour le lundi 28 mai, y y voyant là une manœuvre visant le processus politique auquel s’est engagée la Syrie.

 

Création d’une commission d’enquête syrienne

 

Jihad Maqdissi a annoncé que le gouvernement avait constitué un comité militaire judiciaire pour enquêter sur ces deux massacres et que les résultats de son enquête seraient publiés dans trois jours : « Conformément à la Constitution, l’Etat syrien est responsable de protéger ces citoyens, civils et forces gouvernementales; ceci ne va pas cesser. La Syrie se préserve le droit de défendre ses citoyens que cela plaise ou non aux autres, car il s’agit ici non pas d’un jeu politique mais de la sureté et la sécurité des citoyens ».

 

Le porte-parole a appelé ses auditeurs à s’inspirer de l’adage connu, « À qui profite le crime ? ». « Ce qui s’est passé n’était absolument pas dans l’intérêt de l’Etat syrien ; ceux qui sont tués sont les enfants de la Syrie, et nous, nous ne spéculons pas sur nos enfants », a-t-il martelé, réitérant la position de la Syrie, engagée vis-vis du plan Annan « dont nous souhaitons le succès ». « Mais, ajoute-t-il, les clés de la solution ne se trouvent pas qu’en Syrie »; la question est plus grande, il s’agit d’un pari, fait par des puissances étrangères, sur l’effritement de l’État, la déstabilisation du pays et un appel à l’intervention militaire contre la Syrie ».

 

Ban Ki-moon invité à relire le plan de paix de l’ONU

 

Le porte-parole du gouvernement s’en est pris aussi au rapport de Ban Ki-moon, évoquant ses affirmations contradictoires, affirmant d’un côté que des villes entières sont hors du contrôle du gouvernement syrien et de l’autre que le même gouvernement a posté nombre de blindés et d’armes lourdes dans les villes : « Ou bien c’est l’un ou bien c’est l’autre, a dit Maqdissi, et si vraiment des villes sont hors contrôle, il est du droit constitutionnel de l’État et de son devoir d’y protéger les habitants et d’en chasser les terroristes et les personnes armées ». Il a donc souhaité que les prochains rapports de M. Ban soient plus professionnels et qu’il s’appuie sur des diplomates compétents. « Les observateurs sont sur le terrain, entrent dans tous les quartiers et regardent les faits de leurs propres yeux », a rappelé Jihad Maqdissi.

 

Et l’avocat de la Syrie souveraine de dire que M. Ban Ki-moon aurait dû mieux lire les six points du plan auquel la Syrie a souscrit depuis le 12 avril. « Ce plan impose des engagements non seulement à la partie syrienne, qui s’y était engagée, mais encore à « l’opposition armée » et aux terroristes. Il considère par exemple comme des « violations » (de ce plan) le port d’arme, en plein jour ou en cachette, la prise des bâtiments gouvernementaux….  » , a expliqué M. Maqsissi, soulignant à ce propos que le ministre syrien des Affaires étrangères informait régulièrement MM. Ban Ki-moon et Kofi Annan des violations commises par l’opposition, et que celles recensées dans les cinq derniers jours s’élèvent à plus de 3 500 « toutes authentifiées en date et en lieu ».

La crise, après Houla

 

Pour finir, Jihad Maqdissi a voulu prendre un peu de hauteur, tirer une « morale » politique de ce nouveau drame, à la lumière de l’expérience de plus d’un an de crise :

« Nous n’avons pas d’illusion sur le Conseil de Sécurité dont se servent des grandes puissances. Nous savons que nous vivons dans un monde injuste. Nous reconnaissons l’existence d’une crise, qui n’est nullement telle que la montrent les médias, mais nous attendons une aide et non des pressions et des sanctions injustifiées qui touchent à la vie quotidienne du citoyen et vise un système politique dont la seule faute est d’avoir dit non dans une région qu’ils voulaient suivant un plan défini ».

 

Répondant ensuite aux questions des journalistes, le porte-parole du gouvernement a souligné que l’instabilité est un environnement convenable pour les terroristes. À son avis, il existe sur le terrain en effet une opposition idéologique, des terroristes dont l’opposition politique « officielle » passe sous silence l’existence, mais il y a encore une autre partie en présence, al-Qaïda et les takfiristes, qui profitent de l’instabilité et du chaos.

 

Et à la question de savoir si on en était à la fin de la crise ou si, au contraire, le massacre de Houla l’avait portée à un point critique, M. Maqdissi a répondu : « Personne ne saurait prévoir une date pour la fin de la crise; mais si l’opposition extérieure et les pays qui soutiennent, financent ou arment les terroristes acceptent enfin la voie politique, nous pourrons dire que la crise tire à sa fin ». Puis Jihad Maqdissi a ainsi conclu :

« La Syrie avait accepté le dialogue, le plan chinois et la suggestion russe d’accueillir une réunion préliminaire pour ouvrir un dialogue politique avec l’opposition. Ceux qui ont refusé cette démarche,  c’étaient ceux qui redoutaient la rue syrienne et l’échéance démocratique. Nous, nous avons confiance en notre rue, nous savons bien que le président Bachar al-Assad jouit de la majorité populaire qui lui permettra de réaliser la renaissance de la Syrie telle que les Syriens la désiraient et non comme le veulent les administrations de l’Occident et de certains pays arabes ».

 

La Russie pas convaincue de la culpabilité de l’armée syrienne

 

Revenons au Conseil de sécurité, réuni dimanche soir en urgence, pour dire que le représentant permanent adjoint russe, Igor Pankin, a dit que son pays bloquerait toute résolution prétendant condamner le gouvernement syrien avant que le chef des observateurs de l’ONU, le général Robert Mood, ne se serait pas exprimé sur le drame de Houla devant le Conseil. Ce que le général a cependant fait, depuis Damas, par visioconférence, révisant à la hausse le bilan du drame. Pour les Russes, à ce stade, la responsabilité des forces gouvernementales dans la tuerie n’est pas établie. Selon Igor Pankin, la « majorité » des personnes tuées à Houla l’avaient été par armes blanches, ou « exécutées à bout portant », et non par des projectiles d’artillerie comme l’on indiqué les observateurs.

 

Et puis le New York Times affirme que l’administration Obama compterait présenter aux autorités russes un plan de sortie de crise prévoyant le départ de Bachar mais le maintien de « certains éléments » du régime, plus ou moins sur le modèle de ce qui s’est passé au Yémen avec le remplacement du président Saleh. On notera qu’il ne s’agit là que d’une resucée d’un projet de la Ligue arabe du début de l’année prévoyant un retrait du président syrien du pouvoir effectif au profit de son vice-président, chargé de former un gouvernement de transition. Plan qui avait été appuyé à l’ONU par le cartel euro-américain, mais qui avait été dédaigneusement repoussé, non seulement par Damas, mais par Moscou. On a de bonnes raisons de penser que l’administration Poutine ne se laissera pas impressionner ni bluffer par cette nouvelle offensive contre leur allié, menée à la faveur d’un drame atroce, mais aux circonstances et aux responsabilités non encore établies, quoique laisse croire la rumeur médiatique.

 

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C'est au général Robert Mood de faire toute la lumière sur le drame de Houla, pas à la diplomatie euro-américaine, et encore moins au Qatar et à l'ASL

 


L’intox grossière du plan « secret » Obama

 

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Camp David, le 18 mai 2012 : Obama sans doute en train de faire rire Medvedev avec son "plan secret" pour la Syrie

 

Depuis deux jours, à la « faveur » – on ne voit pas quel autre mot utiliser en la circonstance – du drame de Houla, les médias sortent providentiellement de leurs tiroirs un « plan secret » de l’administration Obama de nature assure-t-on à assurer une issue politique à la crise syrienne. C’est parti du New York Times, un des organes centraux du néo conservatisme gauchard made in America, et cela a traversé l’Atlantique aussitôt. Le Point, par exemple, nous donne ainsi des éclairages sur ce plan « secret » autant que miraculeux. En fait, il s’agirait de proposer aux Russes décidément incontournables le gentlemen’s agreement suivant : vous lâchez Bachar mais on garde à la tête de l’État syrien certaines personnalités du Baas, histoire de garantir une certaine continuité dans le changement, et aussi par la même occasion les intérêts militaires et économiques de Moscou dans le pays. Selon le NYT, c’est un conseiller d’Obama, Thoma Donilon, qui aurait été présenter cette option aux dirigeants russes, voici trois semaines. Et le projet aurait été ensuite testé sur  Dimitri Medvedev, devenu entre-temps Premier ministre du président Poutine, lors du récent sommet du G8 à Camp David. Le NYT cite un « haut fonctionnaire » américain qui assure que Medvedev se serait montré « réceptif » mais, s’inquiétant du sort de Bachar aurait de lui-même évoqué la situation peu enviable d’Hosni Moubarak enfermé « dans une cage » ; alors, Barack Obama, pour le rassurer ou étouffer ces scrupules, aurait préconisé pour le président syrien une exfiltration-exil sur le modèle expérimenté par l’ex-président yéménite Saleh. Simple, mais il fallait y penser !

Rien de nouveau – ni de sérieux – sous le soleil de Washington

Tellement simple d’ailleurs, qu’on y a déjà pensé : au début de l’année, la Ligue arabe avait remanié son plan de paix anti-syrien en proposant, toujours dans le but de vaincre l’hostilité russe au Conseil de sécurité, d’écarter du pouvoir Bachar – cantonné dans un vague rôle honorifique – et de donner la réalité du pouvoir à son vice-président,lequel conduirait des négociations avec le CNS. Naturellement, Medvedev, Poutine et Lavrov avaient vu la Ligue arabo-qatarie venir de très loin et celle-ci avait dû remettre son plan dan sa djellaba. Aujourd’hui, c’est à peu près le même scénario que propose le staff d’Obama à Poutine/Medvedev/Lavrov, et on ne voit pas comment ceux-ci pourraient faire à cette version-là un meilleur accueil. Parce qu’aujourd’hui comme il y a trois ou quatre mois, la ficelle atlantiste est trop grosse, et qu’aujourd’hui comme il y a trois, quatre, cinq, six mois ou un an, le départ de Bachar serait le signe de l’effondrement de l’État syrien et le top de départ à une subversion d’ampleur dans le pays et au-delà de ses frontières. Et que la Russie ne s’est pas engagée dans l’affaire syrienne comme elle l’a fait depuis des mois pour risquer de tout perdre sur une hypothèse aussi « aventureuse », et reposant sur l’honnêteté intellectuelle et politique des Américains !

Mais évidemment, la presse occidentale ne va pas chercher si loin et, à la suite du New York Times, véritable « autorité morale » de la corporation, Le Point assure que ce  » plan B » sera au menu des discussions entre Poutine et Obama lors de leur prochaine rencontre, en juin. Le président américain s’engageant à garantir le maintien d’une influence russe en Syrie, un fois Bachar parti. C’est tellement énorme que même Le Point se sent obliger de citer l’avis d’un spécialiste de la Russie, Philippe Migault, chercheur à l’IRIS,qui rappelle cette évidence : « Le rôle des États-Unis a toujours été de diminuer au maximum l’influence de Moscou au Moyen-Orient ». En effet… Mais Le Point va recueillir aussi l’avis « autorisé » de M. Ignace Leverrier, diplomate français en disponibilité – mais sorte de consul honoraire permanent de l’OTAN -, animateur d’un blog anti syrien hébergé par Le Monde, et pour qui la Russie, en acceptant enfin de voter une résolution condamnant le gouvernement de Damas, s’est « engagée dans un cycle de sanctions« . Sans doute pour mieux défaire ce qu’elle s’est acharnée à construire et à préserver depuis des mois en Syrie et au Proche-Orient. On peut dire qu’avec Leverrier, la « syriologie » a trouvé son M. Norpois (personnage de diplomate nul et pontifiant créé par Proust pour les besoins de sa Recherche du temps perdu) !

Tout ceci s’inscrit, sans complot aucun, dans une énième tentative américaine de contourner l’infranchissable obstacle russe sur la route de la Syrie – et donc de l’Iran. C’est de l’intox, de la guerre psychologique du registre le plus grossier. Comment croire que Poutine, qui a depuis la Libye et même bien avant, une perception aigüe du rôle et des ambitions de la thalassocratie américaine, va se « laisser avoir » par le numéro de charme et les « assurances » d’un Obama qui risque fort d’être supplanté à la Maison Blanche par un fou furieux républicain sioniste du calibre de Mitt Romney ? Lâcher la Syrie c’est, pour la Russie, « se griller »diplomatiquement aux yeux du monde entier, alliés comme ennemis.

Au fait, maintenant que ce « plan secret » s’étale sur tous le sites de la planète internet, que va dire Poutine à Bachar ?  Que c’est du sérieux ? Non, ce n’est pas sérieux, et il faut vraiment que les Américains soient à bout de ressources – et les journalistes européens  complètement lobotomisés – pour croire et faire croire à ce genre de « révélations ».

 

http://www.infosyrie.fr/actualite/le-gouvernement-syrien-nie-toute-responsabilite-et-donne-sa-version-des-faits/

http://www.alterinfo.net/Le-gouvernement-syrien-nie-toute-responsabilite-et-donne-sa-version-des-faits_a76964.html

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