La débâcle de JPMorgan

Andre Damon et Barry Grey

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Les retombées économiques et politiques de la soudaine annonce faite par JPMorgan Chase jeudi dernier selon laquelle la banque avait perdu plus de 2 milliards de dollars en paris spéculatifs de dérivés de crédit ont continué de se multiplier lundi. La plus grande banque américaine a annoncé le départ forcé à la retraite d’Ina Drew, qui a dirigé le principal Service d’Investissement (Chief Investment Office) sis à Londres et qui avait misé sur la solvabilité d’une série d’entreprises américaines. On s'attend à ce que d’autres hauts responsables et opérateurs de marché soient licenciés ou rétrogradés.

Les actions de la banque ont dégringolé de 3,2 pour cent supplémentaires, faisant passer ses pertes de la capitalisation boursière à près de 19 milliards de dollars en deux jours. Le Wall Street Journal a rapporté que JPMorgan se préparait à une perte totale de plus de 4 milliards de dollars au cours de la prochaine année en raison de sa participation mal venue en dérivés (« credit default swaps ») – le même moyen d’investissement qui avait joué un rôle crucial dans l’effondrement de Lehman Brothers et dans le plan de sauvetage du géant de l’assurance American International Group (AIG) en septembre 2008.

Dans une interview accordée dimanche à l’émission « Meet the press » sur NBC, le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, a cherché à présenter la perte comme une faute innocente résultant d’« erreurs, de maladresse et d'un manque de jugement. » Il y a à peine un mois, Dimon, qui avait dirigé la campagne publique de Wall Street contre des restrictions même les plus minimes des pratiques spéculatives des banques, avait fait fi des mises en garde contre les paris massifs faits par le principal Service d’Investissement comme étant « une tempête dans un verre d’eau. »

L’ampleur des pertes et les démentis qui les ont précédés soulèvent la probabilité que les régulations et les lois bancaires contre la fraude et la tromperie des investisseurs n’ont pas été respectées.

Le président Obama s’est toutefois précipité pour prendre la défense de JPMorgan et de Dimon, en déclarant lundi lors d’une émission-débat télévisée que JPMorgan était « l’une des banques la mieux gérée qui existe » et que Dimon était « l’un des banquiers les plus intelligents qui soient. » Dans le même temps, il a cité les pertes de la banque comme une justification de la loi Dodd-Frank de réforme de la finance qu’il avait promulguée en juillet 2010. « C’est pour cela que nous avons adopté la réforme Wall Street, » a-t-il dit.

En fait, la débâcle de JPMorgan prouve que près de quatre ans après le krach de Wall Street rien n’a changé pour l’aristocratie financière. Aucune mesure n’a été prise pour maitriser les banques qui ont bénéficié de milliers de milliards de dollars en fonds gouvernementaux, en garanties et en prêts bon marché. Les mêmes formes de spéculation et carrément d’escroquerie qui avaient conduit à l’effondrement financier et à la pire crise économique depuis la Grande Dépression se poursuivent de manière inchangée.

Les grandes banques, telles JPMorgan, ont accru leur mainmise sur l’économie américaine. Elles ont enregistré des bénéfices record en restreignant le crédit des consommateurs et des petites entreprises, en maintenant un taux élevé de chômage tout en spéculant sur les Credit Default Swaps (couverture de défaillance) et autres instruments financiers toxiques qui ponctionnent les ressources de l’économie réelle. Sur cette base, les responsables de la banque et les courtiers, dont ceux des institutions renflouées, ont continué à engranger des plans d’indemnisation à huit chiffres. L’année dernière, Ina Drew avait gagné 14 millions de dollars et Jamie Dimon avait encaissé 26 millions de dollars.

La loi Dodd-Frank claironnée par Obama est une escroquerie, une tentative de donner l’apparence d’une réforme financière tout en permettant aux banques de poursuivre leurs activités parasitaires et criminelles. On peut citer pour exemple la soi-disant Règle Volcker (Volcker Rule) du nom de l’ancien président de la Réserve fédérale américaine et conseiller économique d’Obama à la Maison Blanche, Paul Volcker.

Cette Règle, intégrée dans la loi Dodd-Frank et qui serait l’une de ses plus audacieuses dispositions, interdit apparemment le négoce contre l’intérêt de leurs clients – la spéculation d’une banque pour son propre compte – de la part de banques commerciales dont les dépôts des clients sont garantis par le gouvernement fédéral. L’idée est d’empêcher les banques qui sont assurées par le gouvernement de spéculer avec l’argent des déposants.

Mais, la Règle telle qu’elle a été rédigée par les régulateurs fédéraux – sous pression de la Réserve fédérale et du secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, ainsi que des banques – permettrait en fait le genre de pari spéculatif fait par JPMorgan sous forme d’une couverture (« hedge ») pour compenser le risque encouru par l’ensemble du portefeuille d’investissement de la banque.

La Règle Volcker dont la forme exacte n’a pas encore été annoncée, ne fera rien pour stopper la spéculation des banques soutenues par le gouvernement, utilisant l’argent des petits dépositaires.

Le scandale de JPMorgan a aussi mis en relief l’échec du gouvernement à poursuivre les responsables de l’effondrement financier de 2008. En dépit de preuves écrasantes des méfaits et de la criminalité découvertes au cours de deux enquêtes fédérales l’année dernière, les responsables ont été mis à l’abri de toute poursuite.

Lorsque le sénateur de l’Iowa, Charles Grassley, a soumis en début d’année une lettre au Département de la Justice pour demander combien de responsables des banques avaient été poursuivis suite à la crise financière, le Département de la Justice a répondu qu’il ne le savait pas parce qu’il ne tenait pas de liste.

Selon une étude réalisée par l’université de Syracuse, toutefois, les poursuites fédérales pour fraudes financières ont chuté sous le gouvernement Obama à leur niveau le plus bas en 20 ans et ont diminué de 39 pour cent depuis 2003. Sous Obama, le nombre de procès pour fraudes financières a chuté d’un tiers par rapport à l’époque du gouvernement Clinton.

Ces faits montrent la dictature de facto exercée par l’aristocratie financière sur l’ensemble du système politique et des deux principaux partis. Le gouvernement Obama en particulier est l’instrument des plus puissantes institutions financières. Il concentre ses efforts sur la protection et l’accroissement de la fortune de l’élite privilégiée tout en utilisant la crise pour constamment réduire drastiquement les salaires et le niveau de vie de la classe ouvrière.

Durant une grande partie du mandat d’Obama, Jamie Dimon était connu pour être le « banquier préféré » de la Maison Blanche. Selon les carnets de la Maison Blanche, Dimon s’est rendu au moins 18 fois à la Maison Blanche, souvent pour s’entretenir avec son ancien adjoint chez JPMorgan, William Daley, qui avait été nommé par Obama secrétaire général de la Maison Blanche après la déroute des Démocrates aux élections de 2010.

Les relations incestueuses et corrompues entre Wall Street, le gouvernement Obama et l’ensemble du système politique souligne la nécessité pour la classe ouvrière de construire son propre mouvement de masse socialiste afin de défendre ses intérêts contre l’élite dirigeante.

Les banquiers responsables de la crise financière, y compris Dimon et ses Co-conspirateurs, doivent être passibles de poursuites criminelles pour leur manquement à la loi et être tenus pour responsables de la souffrance sociale provoquée par leurs actions. Les milliers de milliards mal acquis et accumulés par les banques doivent être expropriés, avec une pleine protection pour les petits dépositaires et les petites entreprises, dans le but de fournir des emplois et des logements décents, des soins de santé et une éducation à tous.

Il n’y a aucun moyen de maitriser les banques et leurs activités socialement destructrices dans le cadre du système capitaliste. La seule voie pour stopper la fraude et le parasitisme qui se poursuivent tous les jours à Wall Street est de nationaliser les banques et de les gérer comme des services publics démocratiquement contrôlés.

WSWS

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