La crise mondiale, crise structurelle de longue durée, pour sa sortie, implique une refonte des relations internationales, plus de moralité et plus de cohésion sociale

CRISE FINANCIERE MONDALE

abderrahmane mebtoul

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La crise économique, non encore  terminée, est  structurelle et risque de s’amplifier dans les  années à venir si l’on se limite aux replâtrages ne touchant pas fondamentalement  le fonctionnement  du système politique et économique international impliquant de  nouveaux mécanismes de régulation tant politiques, économiques que sociaux.  Face à cette situation très grave,  annonçant d’importants bouleversements géostratégiques horizon 2015/2020,   tant  la théorie économique que les politiques économiques menées  traversent  une crise comme en témoigne la divergence des propositions de ces  différents prix Nobel d’économie. Crise qui atteint également  les institutions internationales   comme le FMI et la banque mondiale  qui font souvent des extrapolations que dément  la réalité.

1.-Dans ses différents rapports 2010/2011, la banque mondiale  et le FMI notent  que le  pire de la crise financière est derrière nous et la reprise économique  mondiale est en cours, mais que cette reprise est fragile, l’ampleur globale  de la reprise et sa durabilité dépendant du redressement de la demande des  ménages et des entreprises. Le Fonds monétaire international a légèrement revu à la hausse ses prévisions de croissance mondiale, à 3,5% en 2012. Cependant, le FMI  appelle à la vigilance car la reprise des pays industrialisés, en particulier les pays européens, n'est pas assurée. Au dernier trimestre 2011, « la résurgence des craintes d'une escalade et d'une extension de la crise de la zone euro (...) avait conduit à un fort ralentissement économique inattendu… la réduction de l'effet de levier des banques européennes au cours du second semestre 2011 a provoqué un repli de l'offre de crédit au secteur privé » ce qui a contribué à une moindre croissance» selon le FMI. Par ailleurs, l’inflation  a été légèrement révisée à la hausse en mars 2012 à 2,7 % selon  l’estimation d'Eurostat, l'office européen des statistiques.

Il s'agit du 16e mois consécutif que l'inflation dépasse le seuil de 2% visé à moyen terme. Le maintien de l'inflation à un niveau élevé est largement dû à la hausse des prix du carburant, du gaz et les combustibles liquides, qui a pesé sur les transports (4,6%) et le logement (4,0%). Selon le le Fonds monétaire international « les ratios de la dette [rapportée au produit intérieur brut] sont en augmentation, C'est le cas par exemple de la France, où le pic serait de 90,8% en 2013, ou de l'Italie, à 123,8% la même année. Pour les  Etats-Unis ou le Japon, la dette publique sera en expansion  en 2017 (113%  et 256%  respectivement).   Le FMI conseille la BCE de conserver une politique monétaire accommodante, encore que la  baisse de  son taux d'intérêt directeur, aujourd'hui fixé à 1%n ‘est pas suffisant. Le secteur bancaire, nécessitera  une demande de recapitalisation pour amoindrir le risque de restriction des crédits à l'économie. Pour le Fonds, il ne faut surtout pas se focaliser uniquement sur l'austérité budgétaire. Un taux d'intérêt bas n'est pas une garantie. Il est une condition nécessaire mais pas suffisante du retour à la croissance.

Ainsi, une nouvelle crise,  plus grave que celle de 1929 et d’octode 2008 n’est  pas exclue en Europe se répercutant sur les USA dont les équilibres sont précaires. Ainsi, selon les experts du FMI une  nouvelle crise n'est pas exclue tant que les gouvernements n'auront pas mis en œuvre, non seulement leur programme de consolidation budgétaire, mais également des réformes structurelles destinées à redresser la compétitivité de leur économie.  Quant aux USA, où la reprise semble se dessiner à la lueur de l'amélioration du marché de l'emploi,  grâce à l’important déficit budgétaire USA qu’il conviendra bien un jour de réduire, la croissance du PIB devrait atteindre 2,1% en 2012, et  2,4% en 2013. Pourtant, des  incertitudes subsistent comme la faiblesse du marché immobilier et une possible répercussion d'une nouvelle crise européenne. Ce d’autant plus  que  l’on assiste un repli des pays émergents –comme en témoigne le repli de la demande externe.  La croissance chinoise est prévue  seulement à 8,2% en 2012. L’on pourrait assister dans les années à venir à  des tensions sociales de plus en plus aigues  tant dans ce pays que dans les pays développés, le FMI prenant  en compte les tensions géo politiques sur le prix du pétrole notamment les tensions avec l’Iran et la  Corée du Nord. Ainsi le  redressement durable des pays développés s’avèrera long avec une possibilité de déflation  (contraction des activités productives), redressement conditionnée par des réformes de structures et l’urgence d’un sacrifice partagé passant par la conciliation de l’efficacité économique et d’une profonde justice sociale.

2.-Face à  l’ampleur de la crise, les prix Nobel d’Economie, pour les solutions, sont divisés parfois avec des propositions contradictoires entre les partisans de  l’orthodoxie monétaire  et les partisans de la relance par le déficit  budgétaire. Et cela se constate à travers la lecture des revues  internationales entre les différentes doctrines économiques ayant des impacts  sur les politiques économiques entre les «keynésiens», les «marxistes»,  les «néo-libéraux» les «monétaristes» dont le fondateur est Milton Friedman (prix Nobel  d’économie)  et ses disciples , les Chicago Boys et les «Autrichiens» ,  chacune les événements économiques d’après leur conception de l’homme et  du monde.  Ainsi, le prix Nobel d'économie  2011, a été décerné à deux Américains, Thomas Sargent et Christopher Sims pour  leurs travaux sur les relations entre les politiques économiques et leurs effets sur l'économie, théories élaborés entre 19710 et 1980. Une des tâches principales de la recherche en macroéconomie consiste à comprendre comment chocs (événements inattendus) et changements systématiques de politique affectent les variables macroéconomiques à court et à long terme.  Pour 2010 le prix Nobel d'économie a été attribué le 11octobre 2010 à  deux Américains et à un Britannique d'origine chypriote pour leurs travaux  sur l'influence de l'ajustement entre offre et demande sur certains marchés,  travaux ayant largement influencé les politiques publiques. Ces prix Nobel sont  Peter Diamond,  est un ancien professeur de Ben Bernanke, l'actuel  patron de la Federal Reserve. Dale Mortensen, enseigne à l'université  de Northwestern. Il a publié des travaux reconnus sur les théories sur la  recherche d'emploi et le chômage frictionnel. Christopher Pissarides,   enseigne à la London School of Economics étant un spécialiste des  interactions entre le marché du travail et les décisions prises au niveau  macro-économique. Le prix Nobel 2009 a été attribué pour les travaux sur les institutions et  la bonne gouvernance, ce terme « corporate governance », pouvant le traduire  par gouvernance d'entreprises, ayant au départ été utilisé dans les milieux  d'affaires américains. Par la suite, la notion de « urban governance »  s'est généralisée dans l'étude du pouvoir local et a fait par ailleurs son  apparition à la fin des années 80 dans un autre champ, celui des relations  internationales. Le prix Nobel d'économie de 2001 Joseph Stiglitz estime  que la théorie et les politiques économiques traversent une très grave crise  et que les actions préconisées ne  sont  qu'une solution à court terme les comparant à «une transfusion  sanguine massive à une personne souffrant d'une grave hémorragie interne». L'Américain Paul Krugman néo-keynésien qui a  obtenu, en 2008, le prix Nobel d'économie pour ses travaux sur le libre  échange et la mondialisation dans sa conférence le 10 août 2009 à Kuala  Lampur (Malaisie) devant un forum international des chefs d'entreprise, à une  question posée, il affirmera humblement que les gouvernants et les économistes  sont désemparés faute d’un nouveau modèle tenant compte de la complexité  du monde actuel.

3.- Pour preuve de cette mésentente entre les économistes des  propositions qui ne s’attaquent pas à l’essentiel lors des différentes  réunions du G20 représentant 85% du PIB  mondial et 2/3 de la population mondiale, ces réunions ont évité d’aborder  des sujets qui fâchent comme la suprématie du dollar, la refonte des relations  économiques et financières internationales. Elles ne sont pas parvenus à  avancer  sur des sujets aussi complexes tel que la protection de  l’environnement (suite logique du résultat mitigé de la réunion de Copenhague), la régulation des produits dérivés, le projet d'une taxe sur  les transactions financières (divergence entre les USA et l’Europe à  Toronto) et le rythme de retrait des plans de relance. Ces difficultés posent  clairement la question de la méthode de gouvernance mondiale et du processus de  prise de décision à vingt pays. Or, outre le fait de se poser la question si  face à la crise mondiale qui est structurelle et non conjoncturelle, les  politiques contradictoires en l’espace de deux années, des dépenses  publiques dites néo-keynésiennes avec un rôle central à l’Etat régulateur  courant 2009 et celles plus monétaristes depuis le début 2010 avec les  restrictions budgétaire, s’avèreront-elles efficaces ? Cependant, la grande majorité des économistes s'accorde  aujourd'hui sur la nécessité d'asseoir la macroéconomie sur des fondements  microéconomiques, que voir les phénomènes de bulles et de surendettement est  une chose et  anticiper les crises en est une autre. Les économistes sont  mal armés pour analyser le systémique et les phénomènes d'anticipation  collective qui provoquent une crise. Les économistes doivent avoir une  approche pluridisciplinaire et travailler plus avec les sociologues et les  spécialistes de l'opinion en intégrant les institutions et les forces sociales  d’où la relecture des œuvres de Karl Marx théoricien avant tout du  capitalisme. C’est que de mon point de vue, l’émergence d'une économie et d'une  société mondialisée et la fin de la guerre froide depuis la désintégration  de l'empire soviétique, l’apparition des pays émergents qui bouleversent la  carte géostratégique mondiale, remettent en cause la capacité des Etats-  nations à faire face à ces bouleversements. Les gouvernements à travers les  Etats Nations – et la crise actuelle en est la démonstration, sont désormais  dans l'impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification  des sociétés modernes, de l'apparition de sous-systèmes fragmentés, de  l'incertitude liée à l'avenir et de la crise de la représentation  politique, d’où l’exigence de s'intégrer davantage dans un ensemble plus  vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires nécessitant  une  nouvelle régulation mondiale.  Aussi, l’objectif stratégique est de repenser tout le système des relations  internationales tant politiques renvoyant à une meilleure représentativité du Sud  au niveau du conseil de sécurité  qu’économiques et notamment le système financier mondial issu de  Breeton Woods en 1945 ,( Re-mondialisation)  devant reposer sur de  nouveaux mécanismes de régulation  et nouvelles institutions suppléant à la déficience des marchés  spéculatifs en intégrant le défi écologique. C’est  qu’ en ce début du  21ème siècle, des disparités de niveau de vie criardes font de notre planète  un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré tant imputable à l’actuelle gouvernance mondiale pilotée par le Nord  qu’à la gouvernance de nombre de dirigeants  du Sud  avec une corruption qui prend une ampleur inégalée. Quand on  sait que, dans les 25 prochaines années, la population mondiale augmentera de  deux milliards d’individus - dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de  développement, on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie  de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris devant réhabiliter la morale c’est à dire revenir aux classiques de l’économie (qui est  politique)  à savoir le travail comme fondement de la richesse des Nations. .  Car comme l’a démontré avec clarté  le grand sociologue maghrébin Inb Khaldoun dans  ses ouvrages sur le cycle des civilisations, lorsque l’immoralité atteint les dirigeants qui gouvernent la Cité, c’est la décadence de toue société  et civilisation.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL 

Professeur d’Université-Economiste- expert international –Algérie.

 ademmebtoul@gmail.com

http://www.alterinfo.net

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