Crise syrienne: la montée du mécontentement en Turquie

Güven Sak

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Apparemment le mécontentement monte en Turquie contre la politique syrienne menée par le gouvernement actuel. Ce mécontentement est exprimé publiquement par l’opposition  au pouvoir actuel mais il est aussi le fait des milieux d’affaires qui s’inquiètent des conséquences directes et indirectes sur leurs activités commerciales qui résultent des sanctions contre la Syrie adoptées par leur gouvernement.

Le papier que je vous propose a été écrit par Güven Sak, un professeur de sciences économiques qui n’a rien d’un anti-occidental primaire puisqu’il contribue aux débats de l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique), institution phare du monde capitaliste et qu’il semble avoir joué un certain rôle dans le processus (inachevé) d’admission de son pays dans l’Union Européenne (UE).

Güven Sak relève un des éléments très importants pour comprendre l’ampleur des  problèmes posés par la politique de MM. Erdogan et Davutoglu.

Le premier est que la Turquie est le seul pays de lé région à avoir adopté les mesures de sanctions décidées par les Etats Unis et l’Union Européenne.

Le deuxième est que les sanctions contre la Syrie pénalisent l’activité économique turque notamment dans sa relation avec un espacé géopolitique qui était en train d’acquérir une importance considérable pour la Turquie.

Or, les choix du gouvernement se sont faits pour satisfaire un ensemble géopolitique, l’Union Européenne, dont la part dans les échanges commerciaux turcs tend à baisser et qui refuse toujours d’intégrer la Turquie. Ce que relève subtilement l’auteur de l’article qui évoque l’accord douanier unique en son genre qui lie la Turquie et l’UE.

Au nom de l’UE et de l’OTAN, l’attitude du gouvernement turc, aussi bien vis-à-vis de la Syrie que de l’Iran,  contribue par contre à fragmenter un espace qu’au contraire il aurait eu tout intérêt à unifier par le dynamisme économique de son pays.

Si la Syrie est durement touchée par les sanctions économiques, c’est aussi le cas des entreprises et les travailleurs Turcs qui s’en souviendront peut-être au moment des prochaines élections.

 

La crise syrienne est mauvaise pour les affaires

par Güven Sak, Hurriyet (Turquie) 14 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

La Turquie a été un des premiers pays à se conformer aux sanctions contre la Syrie, et a été le seul voisin de la Syrie à le faire. L’Irak, le Liban et la Jordanie ont choisi de rester neutres. Ces trois pays sont d’importants partenaires commerciaux de la Syrie, mais là encore, c’est aussi le cas de la Turquie.

C’est ce nouveau que réside le mécontentement devant la décision di gouvernement Erdogan d’appliquer les sanctions:  de nombreuses provinces qui exportent en Syrie se retrouvent en grave difficulté économique. Gaziantep et Hatay sont les deux plus affectées. Les sanctions contre la Syrie sont-elles un mauvais coup pour l’économie syrienne ? Oui, mais elles sont aussi mauvaises pour l’économie turque. Ce n’est dons pas seulement la résistance de l’économie syrienne qui est soumise à un test de résistance ici, mais également la patience et l’endurance de la communauté d’affaires turque.

Le plus important partenaire commercial de la Turquie est l’Union Européenne, et nous sommes le seul pays candidat à l’accession à avoir signé un accord douanier avant l’adhésion. Les exportations de la Turquie vers l’Union Européenne  ont reçu un coup sévère au début de la crise de 2008. La moindre recherche de qualité en Europe tend à avoir un impact négatif sur les performances de la Turquie à l’export. Ce qui a amené à une nouvelle augmentation de la part déjà croissante du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) comme débouchés des exportations turques. Alors que la région MENA absorbait seulement 9 % des exportations turques dans les années 1980, cette part est passée à 27 % aujourd’hui, avec une baisse en proportion de la part de l’UE comme débouché des exportations. Cette augmentation a commencé avec l’invasion de l’Irak par les Etats Unis qui a introduit de l’argent venu de l’étranger et provoqué un boom de la demande, ouvrant ainsi la porte aux marchandises turques. Maintenant, les troubles en Syrie menacent de refermer cette porte, pour un temps du moins.

Pourquoi un mécontentement en Turquie contre la décision prise au sujet de la Syrie ? Un regard sur le rythme de la création d’emplois dans les provinces turques après la crise mondiale peut apporter une réponse. La création d’emploi est positive en Anatolie Centrale et dans les provinces du sud-est, mais négative sur les côtes occidentales. Les provinces qui avaient une part plus importante d’exportations vers la région MENA avaient un bilan positif en termes de créations d’emplois. Le basculement de l’orientation de nos exportations vers la région MENA a été un impératif du processus de relance de la production en Turquie. Avec une crise en Europe qui attend toujours sa solution, le «Réveil Arabe» dans l’incertitude et une crise peut-être de longue durée en Syrie, l’économie turque navigue dans des eaux agitées.

Je ne parle pas seulement de l’impact direct de la crise syrienne sur l’économie de la Turquie, c’est-à-dire du déclin du commerce bilatéral et du nombre de touristes Syriens à Gaziantep et à Hatay. Un commerçant Jordanien a expliqué à lé télévision les effets indirects. Il faut avoir à l’esprit que la Jordanie est un pays sans débouchés maritimes [hormis sur la mer Rouge par le port d’Akaba] pour lequel les routes terrestres sont de la plus haute importance «J’importais auparavant des textiles turcs via la Syrie, » disait-il, « il me fallait seulement quelques jours pour recevoir la marchandise. Maintenant, je dois faire transiter la marchandise par Akaba. Ce qui prend environ un mois.» Amman est à environ quatre heures de route d’Antakya. Il faut maintenant près d’un mois pour transporter des marchandises à Amman. Si vous étiez un chef d’entreprise avec un réseau de distribution en Jordanie, comment vous sentiriez-vous ?

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L'enclavement de la Jordanie est aggravé par l'a présence d'une entité sioniste

La politique du zéro problème nous avait dit que la Turquie allait devenir le carrefour commercial de la région. Dans un monde où l’économie de marché n’existe pas, il faut être en bons termes avec les capitales étrangères pour pénétrer sur leurs marchés. Ce qui a un cout en période de transformation politique. Un processus sanglant de transition politique est en cours, et ce n’est certainement pas bon pour les affaires.

 

Que se passe-t-il à la frontière syro-turque?

par Pepe Escobar, Asia Times (Hong-Kong) 11 avril 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

 

DÜN SURİYE-TÜRKİYE SINIRINDA YAŞANAN ŞOK ÇATIŞMA VİDEOSU

 

Il y a une vidéo qu’on pourrait intituler assez librement « Terroristes du côte turc de la frontière tirant du côté syrien », ce qui résume assez précisément ce qui se passe dans cet actuel point chaud géopolitique extrêmement volatile.

La voix qui commente dit, “C’est la frontière syro-turque, et c’est une opération de l’Armée Syrienne Libre [ASL]… La porte [celle qui se situe du côté syrien de la frontière où se trouve le point de contrôle va être prise.»

Ce qui veut dire que la Turquie abrite l’ASL à seulement quelques mètres – et non à des kilomètres – du territoire syrien. Après avoir accueilli un centre de contrôle et de commandement de l’OTAN à Iskenderun il y a plusieurs mois maintenant – un fait déjà signalé par Asia Times Online – la Turquie s’avance désormais juste à la frontière, permettant un aller et retour de guérilleros/mercenaires lourdement armés pour attaquer un Etat souverain.

Imaginez un scénario semblable se produire, par exemple, à la frontière des Etats Unis avec le Mexique, en Arizona ou au Texas.

On peut le voir comme une interprétation très particulière par Ankara des « refuges de protection » et des «corridors humanitaires» tels qu’ils sont mis en avant par le principal modèle proposé pour un changement de régime en Syrie : un rapport du Saban Center de la Brookings Institution rédigé par l’habituel de pro-Israël d’abord et avant tout et «d’experts» du Moyen orient affiliés au Qatar.

Alors attendez-vous à voir un film aux conséquences innombrables; l’ASL attaquant un poste frontalier syrien, tuant des soldats avant de se replier sous une pluie de projectiles qui toucheront inévitablement un camp de réfugiés Syriens tout proche.

L’escalade à la frontière illustre crument le scénario plus large: la guerre civile.

Le ministre Turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu – avec sa fameuse politique de « zéro problème avec nos voisins » – a dû brusquement interrompre son voyage en Chine pour rentrer en Turquie à cause de l’escalade à la frontière. Ce serait très éclairant de savoir comment la direction politique de pékin lui a fait savoir que les trucs d’agents provocateurs de la Turquie revenaient à jouer avec le feu.

L’escalade à la frontière prouve aussi que l’OTAN n’est pas du tout intéressée par la réussite du cessez-le-feu présenté généralement comme le plan de Kofi Annan (c’est en fait une version diluée des plans de la Russie et de la Chine). Les problèmes vont continuer à s’aggraver – comme le suggère un reportage de Russian TV.

Il est évident qu’un gouvernement souverain – la Syrie dans le cas présent – doit exiger des garanties écrites que les opposants armés se conformeront au cessez-le-feu d’Annan.

La raison la plus importante pour laquelle ils ne le feront pas – et ils l’ont souligné publiquement – n’est pas seulement que l’ASL et les guérillas dissidentes continuerons à être armés par le Qatar et la monarchie saoudienne, et renforcés par des « rebelles » Libyens envoyés en Syrie ; c’est que deux membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, la Grande Bretagne et la France – ont également leurs forces spéciales sur le terrain, engagées dans la formation, le enseignement et des opérations de combat.

La question à mille milliards de livres turques est de savoir si Ankara ira plus loin et mettra vraiment en place les « zones refuges », ce qui reviendra à une implication directe dans la guerre civile syrienne, c’est-à-dire une déclaration de guerre contre Damas. C’est exactement ce que l’ASL implorait les Turcs de faire.

Mais même cela serait insuffisant pour renverser le régime de Bachar al-Assad.

Quant à l’appareil policier et militaire d’Assad, il serait bien inspiré de ne pas se laisser provoquer à aller vers une orgie de tortures, d’exécutions sommaires et de bombardements d’artillerie – car ce sont les conditions nécessaires pour le maintien du soutien diplomatique des principaux membres du BRICS, la Russie et la Chine. Une fois encore, les Syriens ordinaires, pris entre deux feux, seront les tragiques perdants.

http://mounadil.wordpress.com/

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