Que se passe-t-il au Mali ?

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Selon les agences de presse étrangères, ce coup d’état s’est déroulé suivant un scénario, hélas, traditionnel pour l’Afrique. Mercredi soir, un groupe de militaires du camp de Kati, une ville de garnison située à 15 kms de la capitale malienne, a occupé la télévision et la radio nationale pour ensuite se diriger vers le palais présidentiel. Le président Amadou Toumani Touré n’y était pas. Le matin du 22 mars, le chef des mutins, le capitaine Amadou Sanogo, a annoncé à la télévision la destitution du chef de l’Etat, la suspension de la constitution, la dissolution du gouvernement et du parlement, l’instauration d’un couvre-feu à compter du 23 mars sur tout le territoire du pays et l’annulation des élections présidentielles fixées au 25 avril prochain. Dans son allocution télévisée, le chef de la junte a « pris l'engagement solennel de restaurer le pouvoir » civil et de mettre en place un gouvernement d'union nationale. Il n’a cependant pas fixé le délai pour réaliser sa promesse. A noter qu’à la veille du coup d’Etat le camp de Kati avait été visité par le ministre malien de la Défense et des Anciens combattants, le général Sadio Gassama, pour faire un bilan de l’évolution de la situation au Nord du Mali.

Notre correspondant Igor Yazon a joint par téléphone l’ambassadeur russe au Mali, Alexeï Doumiyan, pour lui demander de raconter ce qui se passe actuellement dans la capitale malienne :

« Ce qui se passe maintenant à Bamako est assez alarmant. Il s’agit, en fait, de la tentative de coup d’Etat par un groupe de militaires qui sont mécontents de l’évolution de la situation au Nord du pays, par la situation difficile dans laquelle se trouve l’armée malienne, et qui estiment que les autorités ne sont pas capables de gérer toutes seules cette situation. Une junte militaire dirigée par le capitaine Amadou Sanogo, s’est emparée donc du pouvoir. Dans son allocution télévisée, Amadou Sanogo a déclaré que les militaires avaient pris le pouvoir pour gérer la menace terroriste au nord du pays et puis organiser les élections afin de transmettre le pouvoir au président démocratiquement élu. A l’heure actuelle, les mutins sont en consultations avec les Forces Vives de la Nation en vue de la création d’un gouvernement d’union nationale. Par ailleurs, la junte a l’intention d’envoyer les émissaires dans des organisations internationales afin d’expliquer la situation et les raisons du renversement du régime. On ignore où se trouve actuellement le président Touré. Cependant plusieurs membres du gouvernement sont déjà arrêtés, dont le ministre des Affaires étrangères. On ne sait rien des victimes, mais on sait qu’il y en a. On n’entend plus de tirs, mais hier soir il y en avait »

Il n’y a pas de panique, fait remarquer l’ambassadeur Doumiyan. Ce coup d’Etat n’est pas une surprise totale, poursuit-il, mais dire ce que se passera ensuite est, pour l’instant, difficile. Peut-être, la junte ne durera pas. De toute façon, ce qui s’est passé au Mali fait craindre pour le président Touré et ses ministres mais, le plus important, pour la démocratie dans ce pays.

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest regroupant 15 pays de la région, dont le Mali, a, d’ailleurs, fermement condamné le coup d’Etat à Bamako. Elle « rappelle aux militaires quelle est leur responsabilité selon le Constitution, et réitère la politique de la Cédéao de « zéro tolérance » à l’égard de toute tentative de prise ou de maintien du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels »

« Nous aussi, nous aurions dû prôner le retour le plus rapide possible à l’ordre constitutionnel et à la démocratie dans ce pays, ainsi que l’organisation des élections et le transfert du pouvoir au gouvernement civil, poursuit Alexeï Doumiyan. C’est dans ce sens que vont les pensées chez nous. Mais il est difficile à dire maintenant s’il est temps d’organiser les élections alors que le pouvoir est entre les mains des militaires. Il faut d’abord saisir la situation, comprendre si elle va durer ou pas. On ne peut que saluer les déclarations faites par la junte en ce qui concerne son intention d’organiser le plus rapidement possible les élections démocratiques au pays et de transmettre le pouvoir au gouvernement civil, mais, de façon générale, la junte doit être plutôt condamnée. Tout point controversé est à être discuté à la table de négociations et non en recourant à la force ».

Voici ce qu’a dit à la Voix de la Russie le directeur du Centre des études russo-africaines de l’Institut de l’Afrique de l’Académie des Sciences de Russie, Evgueny Korendyassov :

« C’est une mauvaise nouvelle. Mais il est à noter que c’est l’armée qui était de fait au pouvoir après le renversement de Modibo Keïta en 1968. Il y a une période courte où le pouvoir était entre les mains du président civil, Alpha Oumar Konaré, qui a beaucoup fait pour moderniser le système politique du pays. Bien évidemment, ce coup d’Etat a ses causes sous-jacentes. Bien évidemment, les dirigeants du pays, anciens et actuels, ont commis beaucoup d’erreurs. Pourtant, c’est la chute du régime de Kadhafi en Libye qui est en devenue l’élément déclencheur. Kadhafi jouait un rôle très important dans la stabilisation de la situation au Sahel. Au moins cent milliards de dollars ont été dépensés par le gouvernement libyen pour aider les pays les plus pauvres d’Afrique au sud du Sahara. Par ailleurs, des relations particulières unissaient Kadhafi aux dirigeants maliens. Les Touaregs sont devenus acteurs importants des derniers évènements au Mali. Le problème des Touaregs est là depuis une cinquantaine d’années voire plus. Les tendances séparatistes sont très fortes parmi cette population. Pendant un certain temps, ces tendances ont été soutenues par les Français. Ensuite les Français se sont retirés. Les Touaregs étaient un problème important pour le Mali mais aussi pour le Niger et l’Algérie. Après le renversement de Kadhafi dans l’armée duquel servaient plus de deux mille Touaregs ce qui permettait de baisser les tensions au nord du Mali – c’était d’ailleurs une bonne politique de la part du gouvernement malien et des autorités libyennes – ces deux mille Touaregs bien armés et une partie importante de l’armée de Kadhafi ont fui la Libye pour aller au Nord du Mali. Les tentatives des autorités maliennes d’arranger les choses en proposant à ces Touaregs de l’argent, n’ont pas eu de résultats escomptés et les extrémistes Touaregs, qu’on appelle salafistes, se sont tournés vers le séparatisme en attaquant les villes et la population au Nord du Mali. Je pense que l’une des causes du coup d’Etat au Mali est le renversement brutal du régime de Kadhafi avec la participation de l’OTAN »

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