Le congrès américain élargit la loi autoritaire anti-protestation

par Tom Carter

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Un projet de loi adopté lundi a la chambre des représentants américaine et jeudi au sénat élargirait les lois anti-protestation qui font un crime – un délit grave punissable d’une longue peine de prison – du fait « d’entrer ou de rester dans » une zone désignée comme étant « a accès restreint ».

Ce projet de loi – le h.r. 347, ou le “federal restricted buildings and grounds improvement act of 2011” (« loi de 2011 sur les bâtiments fédéraux et les terrains fédéraux a accès restreint ») – a été  adopté par consentement unanime au sénat, alors que seuls Ron Paul et deux autres républicains ont voté contre ce projet de loi a la chambre des représentants (le projet de loi adopte a 388 voix contre 3). pas un seul politicien démocrate n’a voté contre ce projet de loi.

Le passage à la quasi-unanimité du hr 347 expose crument le fait que, malgré toutes les gesticulations, les démocrates et les républicains sont coude a coude avec l’oligarchie corporative et financière, qui considérait les protestations populaires de l’an dernier contre les inégalités sociales avec un mélange de crainte et d’hostilité.

Le hr 347 élargit un statut fédéral criminel existant – le titre 18, section 1752 du code des Etats-Unis, ou loi sur « l’accès restreint à des bâtiments ou à des terrains ». cette loi avait été initialement adoptée en 1971 et fut modifiée en dernier lieu en 2006.

Selon la loi existante, les zones qui se qualifient comme étant « a accès restreint » sont définies en des termes extrêmement vagues et larges. Ces zones a accès restreint peuvent inclure « un bâtiment ou des terrains ou le président ou toute autre personne protégée par les services secrets se trouve, ou visite temporairement » et « un bâtiment ou des terrains soumis a cette limitation en conjonction avec un évènement désigné comme étant un évènement spécial d’importance nationale ».

Les services secrets fournissent des gardes du corps non seulement pour le président des Etats-Unis, mais à une large couche de personnalités de premier plan dans l’establishment politique, en ce compris les candidats à la présidentielle et des dignitaires étrangers. Ce qui constitue un évènement d ‘« importance nationale » est laissé a la discrétion du « department of homeland security »  (ministère de la sécurité intérieure). l’occasion pour pratiquement n’importe quelle grande manifestation pourrait être désignée par le « department of homeland security » comme étant un évènement d ‘« importance nationale », rendant illégale toute manifestation dans le voisinage.

Pour certains, parmi ces évènements, ou trouverait les conventions nationales démocrates et républicaines, qui ont été classées en tant qu’évènements nationaux spéciaux de sécurité (national special security events ou nsse), une catégorie créée sous l’administration Clinton. ces conventions ont constitué l’opportunité de manifestations qui ont été soumises a des restrictions croissantes de la police et a la répression. le hr 347 signifie que le droit sera à présent plus susceptible d’être utilisé pour criminaliser les manifestations futures durant de tels évènements.

La punition standard sous la loi sur les « bâtiments et terrains a accès restreint » est une amende, et jusqu’a un an de prison. si une arme ou une blessure physique grave sont en cause, cette peine pourrait être augmentée jusqu’a un maximum de dix ans.

Est aussi criminalisée la conduite « qui entrave ou perturbe le bon déroulement des activités gouvernementales ou de fonctions officielles » et qui « entrave ou gêne l’entrée ou la sortie vers ou a partir de n’importe quel bâtiment ou terrain a accès restreint ». ces dispositions, plus encore que les dispositions créant des « zones a accès restreint », menacent de criminaliser une vaste gamme d’activités de protestation.

Afin d’apprécier le large éventail de cette loi sur les « bâtiments ou terrains à accès restreint », il est nécessaire d’envisager quelques possibilités.

• Une large zone autour de la prochaine réunion du g-8 ou un autre sommet mondial pourrait être désignée comme étant à accès « restreint » par les services secrets, de telle sorte que toute personne qui « entre » dans ce domaine puisse être passible d’une amende et d’un an de prison en vertu de l’article 1752 (a) (1) (qui fait un crime d’entrer dans un bâtiment ou un terrain restreint, sans autorisation légale de le faire).

• Le sénateur Rick Santorum, le candidat républicain à la présidentielle de l’extrême droite, bénéficie de la protection des services secrets. En conséquence, une personne qui crie « boo! » et hue lors d’un discours de Santorum pourrait faire l’objet d’une arrestation et d’un an d’emprisonnement en vertu du paragraphe 1752 (a) (2) (ce qui fait un crime du fait de « s’engager dans une conduite désordonnée ou perturbatrice dans une zone à accès restreint).

• Les travailleurs du gouvernement qui sont en grève et forment un piquet de grève à proximité de tout évènement d ‘« importance nationale » peuvent être enfermés en vertu de l’article 1752 (a) (3) (ce qui en fait un crime du fait de « faire entrave à l’entrée ou à la sortie vers ou en provenance de tout bâtiment ou terrain à accès restreint »).

Sous l’ancien régime en France, des mesures furent prises afin de veiller à ce que les « masses non lavées » soient maintenues hors de vue à chaque fois qu’un charriot contenant un important aristocrate ou un responsable de l’église était de passage. de façon similaire, Les lois qui ont été élargies par la loi hr 347 aident a créer, pour le président des Etats-Unis et d’autres hauts responsables, une bulle exempte de toute protestation ou « une zone sans liberté d’expression » qui les suit partout ou ils vont, en veillant a ce que la multitude mécontente soit maintenue hors cadre.

Le « federal restricted buildings and grounds improvement act « (« loi sur les bâtiments et les terrains fédéraux a accès restreint ») est manifestement en violation du premier amendement de la constitution des Etats-Unis, qui a été  adopte en 1791 dans la foulée de la révolution américaine. le premier amendement prévoit que: « le congres ne fera aucune loi … qui restreigne la liberté d’expression… ou le droit du peuple a se rassembler paisiblement et a adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts ». (l’arrogance des politiciens démocrates et républicains est stupéfiante – quelle est la partie de «le congrès ne fera aucune loi » qu’ils ne comprennent pas ?)

La loi hr 347 suit de près la » national défense authorization act » (loi nationale concernant l’autorisation de la défense) de 2012, qui a été signée et transformée en loi par le président Obama le 31 décembre 2011. La NDAA donne au président le pouvoir d’ordonner l’incarcération de toute personne – y compris un citoyen américain -, partout dans le monde, sans inculpation ni jugement.

L’adoption de la loi hr 347 a fait l’objet d’un black-out virtuel dans les médias. à la lumière de la nature de ce projet de loi, qui constitue une attaque significative contre le premier amendement, ce black-out ne peut être innocent. le silence des médias représente un effort conscient pour maintenir la population américaine dans l’obscurité concernant les efforts du gouvernement visant a éviscérer le bill of rights (constitution).

Le calendrier de ce projet de loi est important. Le hr 347 fut rapporté au sénat par le comité judiciaire du sénat le 17 novembre 2011, au milieu d’une répression nationale massive contre les manifestations d’occupy wall street – et seulement deux jours après que des centaines d’agents de police de New York aient mené l’infâme raid de type militaire sur le campement des manifestants dans le parc zucotti, chassant les protestataires et érigeant des barricades.

Un rapport de cout du congressional budget office (cbo) accompagnant le hr 347, explique que ce projet de loi « modifierait et étendrait les lois actuelles qui interdisent l’accès certaines propriétés fédérales », de telle sorte que le gouvernement pourrait « poursuivre en justice les contrevenants qu’il ne serait pas en mesure de poursuivre autrement ».

Le rapport du CBO  affirme que « le h.r. 347 s’appliquerait à un nombre relativement restreint de délinquants », mais le coup de balai spectaculaire de la législation existante, combine aux modifications apportées par le hr 347, suggèrent le contraire.

Le hr 347 étend la législation en vigueur (selon les dossiers du congrès, il « clarifie » la législation existante) en remplaçant les termes interdisant d’entrer « délibérément et sciemment » dans une « zone interdite » par les termes interdisant simplement d’entrer « sciemment » dans une « zone à accès restreint ». ce changement qui semble mineur, augmente en fait considérablement la portée de la loi et rend la poursuite en justice des manifestants plus facile.

en vertu du hr 347, les individus pourraient être inculpes de violation de la loi, même s’ils n’avaient pas l’intention de le faire. ce projet de loi étend également la portée de la loi pour y inclure Washington dc, qui était précédemment uniquement couverte par des lois locales en ce qui concerne les zones « à accès restreints ». ce changement, qui aurait été demandé par les services secrets, permet a l’accuse d’être poursuivi devant un tribunal fédéral.

Le projet de loi attend à présent la signature du président Obama avant qu’il ne devienne une loi applicable.

Ce qui se cache derrière l’attaque en cours contre la constitution des Etats-Unis et le bill of rights (déclaration des droits) est une compréhension croissante, par la classe dirigeante, que les protestations qui ont eu lieu partout dans le monde contre les inégalités sociales en 2011 vont inévitablement resurgir sous des formes plus puissantes en 2012 et au-delà, à mesure que des mesures d’austérité et l’effondrement de l’économie rendent les conditions de vie de plus en plus intolérables pour la classe ouvrière. Le soutien quasi unanime du congrès au hr 347, parmi les démocrates ainsi que parmi les républicains, reflète un sentiment prépondérant au sein de l’establishment au pouvoir et qui vise a restreindre les droits démocratiques existants et a se diriger vers des méthodes de pouvoir dictatoriales.

Ce sentiment a été exprime plus directement cette semaine par le législateur républicain du Wyoming David Miller, qui a présente un projet de loi a l’assemblée législative de cet état, projet de loi qui donnerait a l’état le pouvoir, lors d’une « urgence », de créer sa propre armée permanente par la conscription, de battre sa propre monnaie, d’acquérir des avions militaires, de suspendre l’assemblée législative, et d’établir la loi martiale.

« Les choses se passent rapidement, parfois – regardez la Libye, regardez l’Egypte, regardez ces situations, » a déclaré Miller au star-tribune à Casper, dans le Wyoming. répétant tous les arguments utilises par chaque dictature militaire au cours du siècle passe, Miller a déclaré : « Nous n’aurions pas le temps de nous réunir en assemblée législative, ou même en session extraordinaire pour pouvoir faire quelque chose pour y répondre ». ce qu’on a baptisé la « loi du jugement dernier » de Miller a échoué dans la juridiction du Wyoming, mardi, par une marge étroite de 30 vois contre 27.

Cet article, initialement publié le 3 mars, a été modifié afin de clarifier l’étendue de la loi existante.

Traduit par Vic Flame

http://www.wsws.org

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