PAS DE NAÏVETÉ FACE À LA FINANCE ANGLO-SAXONNE

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La mésaventure des normes comptables n'aurait-elle pas suffi aux Européens? Rappelons que, par suite du scandale (américain) d'Enron, dans les années 2000, la finance mondialisée et les Etats se sont mis d'accord pour homogénéiser les normes comptables des sociétés afin de faciliter leurs évaluations comparatives. Seulement, c'est l'approche anglo-saxonne qui a prévalu, en dépit d'objections minoritaires. Résultat: lesdites normes auraient, selon pas mal d'esprits indépendants, accentué l'effet des "subprime", prenant une part dans la catastrophe financière.

Actuellement, la question du modèle anglo-saxon se repose à nouveau. Cette fois au travers d'un projet de refonte du système financier, séparant les activités de banque de détail ( votre compte de dépôt) de celle de banque d'investissement (développement d'entreprises), poussé par l'Amérique et auquel Londres, toujours très obéissant, est en train de se soumettre.

L'Europe continentale suivra-t-elle? Le commissaire européen, Michel Barnier, a annoncé, le 22 novembre, la création d'un groupe de travail chargé de lui rendre un rapport d'ici à la mi-2012. De quel poids va peser, sur les politiques, l'opinion d'un public mal informé et mélangeant tout, qui, selon un récent sondage CSA, craindrait, à deux sur trois, de voir la fragilisation du secteur bancaire menacer ses économies? Dans une récente "tribune libre" des Echos, Patrice Allain-Dupré (maître de conférences à l'Ecole polytechnique) et Philippe Reclus (président de l'Institut européen d'analyse géo-économique) lancent une mise en garde.

Flavia Labau

"Depuis l'été, les dirigeants des banques anglo-saxonnes ont engagé une guerre sans merci en vue de démolir le modèle de la banque universelle à l'européenne, développé en France, en Espagne et au Bénélux. Objectif : le forcer à se convertir au modèle américain, séparant banque d'investissement et banque de détail.

Pour que Parisot parle complot américain

La thèse du «complot américain » a reçu un écho particulier en France, depuis les déclarations de Laurence Parisot . L'été dernier, alors que les banques françaises étaient attaquées en Bourse sur des rumeurs doutant de leur solidité et leur solvabilité, la présidente du Medef a évoqué une machination « orchestrée d'outre-Atlantique ». Une certitude s'impose : inquiète face à l'impact de la régulation dite de Bâle III (elle n'a jamais appliqué Bâle II), la finance anglo-saxonne accuse les banques du Vieux Continent de profiter d'un avantage concurrentiel inacceptable pour elle. Elle voit dans ce modèle, combinant banque de dépôt et banque d'investissement, le moyen de se servir de l'argent des déposants, non rémunéré, pour fournir d'abondantes liquidités à faible coût aux banques françaises et résister à l'asphyxie des marchés de prêts entre banques. Ce modèle est porteur de risques plus que tous les autres, explique-t-on à New York et à Londres. Le contrôle interne est insuffisant. Il manque des contre-pouvoirs. Il recèle de multiples conflits d'intérêts.

Tolérée hier, cette situation est devenue inacceptable compte tenu des nouvelles régulations en cours d'adoption. Elle est d'autant plus inacceptable, avancent les banquiers américains, que Bâle III veut imposer aux « banques systémiques », celles qui par leur taille provoqueraient une cascade de faillites, un matelas supplémentaire de capital de 2,5 %. Impossible de laisser les banques universelles profiter d'un tel avantage. Et sortir leurs concurrents américains du marché. Quitte à utiliser des arguments plus convenus contre Bâle III, qui va casser une croissance chancelante. Qui n'améliorera pas la supervision des banques mais conduira à plus de bureaucratie. Qui favorisera la finance de l'ombre, non contrôlée. Qui exclura bon nombre d'établissements incapables de financer à long terme les projets d'infrastructures.

La défense des banques françaises est connue. Les activités de banque d'investissement sont essentielles pour l'économie française : il y va du financement des exportations, de celui de l'Etat par les marchés, des augmentations de capital et des rapprochements d'entreprises. Si ces produits ne sont pas fournis aux entreprises françaises par des banques françaises, ils le seront par des banques américaines ou anglaises. Bref, les maîtres anglo-saxons de la volatilité veulent tuer le modèle européen parce qu'il les empêche de spéculer en rond. La ficelle est trop grosse !

Le FMI de Christine Lagarde complice

Cette ligne de défense ne cesse depuis de se fragiliser. D'abord parce que les banques européennes sont affaiblies avec la crise des dettes souveraines. Leur bilan paraît vulnérable. Les capitalisations boursières ont fondu. Les notations sont dégradées. Ensuite, parce que l'idée d'une scission des activités gagne de jour en jour du terrain. Après avoir secoué les banquiers français en les invitant à se recapitaliser d'urgence, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, ne cesse de les exhorter à se réformer pour adopter un Glass Steagal Act qui ne dit pas son nom, en séparant les activités de banque de détail de la banque d'investissement, les premières devant être les seules à devoir bénéficier d'une garantie des Etats. A Londres, les travaux sont désormais engagés avec la commission Vickers. A Berlin, le débat bat son plein. La directrice générale du FMI est persuadée que la France doit d'urgence engager le mouvement

Politique de l'autruche? Syndrome du village gaulois ? Les banques françaises se cramponnent à la nouvelle régulation : amaigrissement de 10 à 15 % de leur bilan, vente d'activités trop gourmandes en capital, allégement de la dépendance aux refinancements en dollars, rapatriement de l'épargne dans le bilan. Pas sûr que la profession ait pris conscience des vrais ressorts de la bataille en cours. Et qu'elle ose les dénoncer. Ses concurrents américains considèrent Bâle III comme une barrière douanière. Ils craignent, plus que tout, une régulation contraignante qui fracturerait le jeu financier mondial et freinerait l'étalement, par le dollar, de la dette américaine au monde entier. Banquiers français, ne vous trompez pas de combat !"

Patrice Allain-Dupré (maître de conférences à l'Ecole polytechnique) et Philippe Reclus (président de l'Institut européen d'analyse géo-économique)

http://www.lesechos.fr/

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