Le parti salafiste al-Nour et le sionisme

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Que dire quand on lit sur les médias ce genre d'informations qui semblent prendre de dépourvu la jeunesse arabe et semer la confusion dans leurs rangs : " Le parti salafiste al-Nour, parti pro-wahhabite égyptien, qui pourrait remporter une majorité des sièges du Parlement, a promis officiellement de respecter l'accord de paix conclu entre l'Egypte et « Israël ». Le parti al-Nour a estimé dans un communiqué publié samedi qu'il est dangereux d'annuler unilatéralement un accord international même s'il est signé par l'ancien régime, rapporte l'agence de presse officielle égyptienne MENA."

Nous sommes dans une période d'effervescence et d'accusation qui s'inscrit dans un processus complexe de diabolisation de l'Islam politique. Une fois que la Tunisie et l'Egypte n'ont pas apporté la démocratie occidentale nous voyons la France et les laïcs arabes diaboliser les islamistes et émettre des vœux ou faire des plans en tirant sur la comète. Les Américains et les anglo-saxons plus pragmatiques mais plus fin connaisseurs de la région tentent d'accompagner le mouvement et de le récupérer.

C'est de bonne guerre. L'existence est une épreuve, une confrontation de volontés et d'intérêts. L'Amérique a les moyens de dire, d'ordonner et les Frères Musulmans et les Salafistes ont deux choix écouter puis obéir ou écouter et faire valoir le choix populaire. Il est trop tôt pour se prononcer. Ni Israël ni les Etats-Unis n'ont le pouvoir d'agir sur la volonté des peuples. Il faut garder en tête que pour l'instant, malgré tout ce qu'on peut imaginer comme scénario vrai, probable, pessimiste ou farfelu, les peuples n'ont pas désisté de leur révolution et n'ont pas encore exercé la politique, l'économique et l'information. Ils vont faire l'apprentissage de l'exercice démocratique à travers les retombées socio économiques. L'Egypte c'est 80 millions de personnes et on ne peut les occuper avec une économie à la Dubaï ou à la saoudienne. C'est une vielle civilisation. C'est le carquois de l'Islam. C'est une révolution qui est à ses débuts. Les révolutions ou les contre révolutions prennent  des années avant  de s'imposer. Restons donc réalistes, optimistes et vigilants.

Il faut attendre encore quelques mois. C'est une révolution qui n'est qu'à son début. Ils ne sont pas encore confrontés à l'exercice du pouvoir réel ni aux revendications de la population. Ces déclarations "suicidaires" sont  le produit d'une révolution qui part sans cadre idéologique. Pour le moment ils parviennent  à rassembler sous le slogan " l'Islam est la solution". Le temps va les obliger à clarifier : de quel islam s'agit-il? La solution à quels problèmes? C'est là où les autres les attendent et ils seront contraints de se radicaliser, de se socialiser, de se démarquer sinon dehors.

Je pense qu'il y a d'autres forces politiques islamiques qui ne sont pas parvenus à faire face à l'émotionnel et à l'image des salafistes et des Frères Musulmans; ces forces, si elles sont intelligentes, elles  vont fatalement profiter des discours infantiles, improvisés et alignés sur l'Arabie saoudite ou les Etats-Unis ou la Turquie et mettre le curseur là où il faut en faisant des alliances stratégiques contre  le nouvel ordre mondial et le sionisme. Objectivement la priorité n'est pas d'affronter le sionisme ouvertement et directement. Salah Eddine a mis 30 ans avant de livrer la bataille de Hattin : il s'est d'abord attelé à unifier le front politique et militaire des Arabes et à livrer bataille contre les vassaux. Malek Bennabi lui aussi a mis le curseur sur la lute contre le sous développement à condition que cette lutte s'inscrive dans un projet de civilisation. C'est ce projet de civilisation, c'est ce projet de développement, c'est la souveraineté du peuple que nous attendons dans l'immédiat. Bien entendu il ne s'agit pas de délaisser Gaza à son sort mais de lui ouvrir les frontières et de la préparer contre une autre agression sioniste. Nous avons des marqueurs objectifs. Les Egyptiens, sur place, ont sans doute de meilleurs marqueurs. Parmi les autres marqueurs nous avons : la relation de l'Egypte avec l'Iran, le Liban, la Syrie, le Soudan, la Libye, l'Afrique, les BRIC, l'Euro-Asie... Pour l'instant il est trop tôt pour se prononcer même si les échos sont alarmants car de loin ne nous parvient que ce qu'on veut nous faire parvenir à nous et à des pays en instance de révolution.

La crainte des arrangements est une crainte authentique : le peuple égyptien et les Arabes doivent tirer les conséquences futures car on a assisté à la confiscation de la révolution égyptienne par les Frères Musulmans et les Salafistes qui n’ont participé ni à sa préparation ni à l’engagement le plus inconditionnel. Bien au contraire, comme en Tunisie,  ils ont été les grands absents sur le terrain et les premiers à en profiter et à conclure des arrangements que le temps mettra en lumière pour les dévoiler comme force d’inertie et de blocage. J’avais fait, en temps réel une analyse pointue et "militaire" sur les positions des chars et le déploiement des troupes en montrant les fautes de l'armée égyptienne qui s'est mise en otage de la foule en révolte. La logique de la confrontation annonçait la fin de la hiérarchie militaire quelque soit le scénario, bain de sang,  soldats se rangeant à côté du peuple, ou les deux. L’issue logique, radicale et la plus prometteuse aurait été celle de la révolution iranienne mais les Frères Musulmans et les Salafistes ont tout fait capoter le scénario et ils portent la responsabilité morale, politique et religieuse pour la suite. Ils ont cassé la dynamique. Ils continuent de présenter l’armée comme « ligne rouge » alors que cette armée, dans sa hiérarchie, n’est pas nationale, mais instrument de répression aux mains des États-Unis. Cette armée si elle continue à trouver les Frères Musulmans et les Salafistes comme défenseurs de sa légitimité politique, comme brise revendication sociale à laquelle elle ne sait ni répondre par la négociation ou par les solutions car ce n’est pas ni sa  vocation militaire ni sa culture répressive et corrompue elle va réaliser un coup d’état blanc au profit des États-Unis. C’est une hypothèse plausible qui pourrait être contrecarrée par l’émergence de syndicats autonomes et puissants hors des Frères Musulmans et des Salafistes et  continuer la révolution sur le terrain social acculant une frange des islamistes à se ranger contre les syndicats et à perdre leur crédibilité ou à se radicaliser contre l’armée et poussant ainsi une recomposition du champ politique. La même situation se joue en Tunisie avec moins de dramatique. Sur le plan économique j'ai analysé le programme d'Ennahda et j'ai montré qu'il n'avait ni caractère islamique ni émancipation du mondialisme ni aspect doctrinaire pour agir sur les leviers politiques et économiques. Nous assistons à des déclarations d'intentions qui mettent en exergue cette question : les "islamistes" traditionnels se sont installés dans l'inertie et une forme d'aristocratie qui les rend inaptes à gouverner faute de programme de réformes globales.

Il est possible de voir le discours changer après les élections du président  et les changements opérés au sein du commandement de l'armée. L'armée égyptienne ressemble exactement à celle du temps des Fatimides lors de la prise de Jérusalem : une armée de rapine sans doctrine militaire donc sans compétence d'affronter l'ennemi. Avec une armée faible militairement , sans doctrine de guerre, sous le contrôle des USA et des sionistes mais forte sur le plan de la répression et de la corruption tu ne peux que faire des concessions. Les Frères Musulmans sur le plan historique portent la responsabilité d'avoir donné une légitimité à l'armée alors que la révolution allait la déborder et pousser les jeunes officiers à se ranger du coté du peuple. La mémoire collective n'oubliera pas facilement et avec le temps elle verra les FM comme force de collaboration ou de trahison avec toutes les conséquences. L'important est que le peuple a vaincu sa peur et il peut la vaincre de nouveau.

Nos ennemis veulent nous inscrire dans l'évènementiel nous devons rester dans le temps historique ( le long terme) et suivre les tendances. La guerre idéologique menée par l'impérialisme et le sionisme a pour objectif de nous présenter les choses sous l'angle de la confusion et surtout de nous faire perdre le sens des réalités et des priorités. Pour l'instant nous devons garder à l'esprit que même si les choses se passent d'une manière imparfaite ou contraire aux vœux de chacun, le plus important est que le peuple égyptien a choisi des gens qui ne sont pas tombés de la planète Mars ni installés par les forces de l'OTAN, et que pour l'instant nul n'a remis en cause ces élections qui cassent déjà le mythe occidental qui fait croire que les Arabes ne sont pas fait pour la démocratie. Les Tunisiens et les Egyptiens sont entrés dans l'histoire par la révolution populaire et par la voix populaire. Nous ne pouvons que souhaiter à ces peuples plus de maturité politique et plus de vigilance pour aller de l'avant et ne pas se laisser confisquer de nouveau et par d'autres formes, leur révolution et leur voix.

Omar Mazri

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